Roland JACQUES

Doyen de la Faculté de Droit canonique de St Paul, Ottaxa, Canada

Le dossier des rites chinois doit-il être rouvert?

 

 

 

Le long et douloureux conflit connu dans l’histoire de l’Église sous le nom de « querelle des rites »[1] a secoué le catholicisme, en Asie orientale, au long du 17e et du 18e siècles. Selon l’opinion commune des historiens et des canonistes, il a été clos par l’instruction Plane compertum, publiée avec approbation pontificale par la Congrégation romaine pour la Propagation de la Foi, en date du 8 décembre 1939.[2] Ce décret mettait fin, entre autres, à l’obligation du serment: jusqu’à cette date, en effet, tous les prêtres exerçant leur ministère dans la région sous influence de la civilisation chinoise[3] devaient jurer de se soumettre aux décisions romaines du 18e siècle[4].

L’instruction de 1939 n’a cependant pas abrogé entièrement les deux textes pontificaux auxquels se référait le serment. Interdiction absolue avait notamment été faite à quiconque, sous peine d’excommunication, de polémiquer au sujet des rites chinois ou de publier quoi que ce soit sans autorisation préalable.[5] En 1939, cette disposition est expressément maintenue, même si les termes en sont adoucis. L’instruction déclare certes que « les controverses sont désormais apaisées » (« cum notum sit antiquas de ritibus sinensibus controversias esse pacatas »). Une telle affirmation semble préparer le terrain pour rendre progressivement caduque l’interdiction;[6] mais celle-ci n’a jamais, à notre connaissance, été formellement abrogée. D’ailleurs, les aspects polémiques de la querelle n’ont pas entièrement disparu, notamment chez les historiens.[7]

Du point de vue du droit, l’élément décisif qui dégage définitivement le terrain pour une nouvelle réflexion et de nouvelles orientations doit plutôt être cherché dans les décisions du Concile Vatican II, prônant l’adaptation de la vie ecclésiale aux circonstances locales, notamment en contexte missionnaire. Plutôt que de revenir sur des questions dépassées, le Concile a en effet préféré ouvrir, ou plutôt confirmer, une perspective entièrement différente.

…Il est nécessaire que, dans le contexte d’un même vaste ensemble socioculturel… l’on promeuve une telle recherche théologique… On comprendra mieux alors quels sont les critères selon lesquels la foi peut rencontrer la raison, en tenant compte de la philosophie et de la sagesse de ces peuples; et [l’on pourra déterminer] les modalités selon lesquelles leurs coutumes, leurs conceptions de la vie et leur structure sociale peuvent être conciliées avec la manière de vivre exprimée dans la Révélation divine. Ainsi le cheminement à suivre pour une adaptation plus profonde de la vie chrétienne dans sa globalité deviendra clair. Toute forme de syncrétisme, tout particularisme artificiel étant exclus par cette manière d’agir, la vie chrétienne sera adaptée au génie et au caractère propre de chaque culture; les traditions locales, de même que les qualités spécifiques de chaque communauté nationale, illuminées par la lumière de l’Évangile, pourront s’intégrer dans l’unité catholique… Il est donc souhaitable et il convient tout à fait que les conférences épiscopales se concertent dans le cadre de chaque vaste ensemble socioculturel pour réaliser, en pleine harmonie entre elles et dans des décisions cohérentes, ce plan d’adaptation.[8]

Une génération après le Concile, les interventions de plusieurs membres de la session spéciale du Synode des Évêques pour l’Asie (avril-mai 1998) montrent à l’évidence que la question est toujours actuelle et urgente, et que beaucoup reste à faire pour mettre en pratique le programme conciliaire.[9] Cela ne doit pas étonner: les enjeux sont trop importants, l’héritage du contentieux historique encore trop lourd pour que des décisions soient précipitées. En outre, le contexte politique en Asie orientale reste peu favorable au travail de certaines conférences épiscopales et à la collaboration internationale en la matière. Enfin, « considérant les changements rapides dans les domaines culturel, social, économique et politique… l’inculturation doit être considérée comme une tâche permanente. »[10]

Nous n’entendons pas suivre ici toute l’évolution de la question des « rites chinois » jusqu’au droit actuel, mais plutôt montrer à travers l’un ou l’autre point particulier comment elle peut se poser aujourd’hui en termes canoniques. Nous avons privilégié pour cela le point de vue de l’Église vietnamienne, proportionnellement et numériquement la plus forte dans l’espace géographique de référence[11].

 

I – Le Code de 1917 et la tolérance en matière de culte non chrétien

Les décrets du 18e siècle et leur tradition d’interprétation par les dicastères romains ont trouvé une place dans le Code de Droit canonique de 1917, dans les canons d’introduc­tion à la troisième partie du Livre III, concernant le culte divin. Le can. 1258 déclare:

§1. Il n’est pas permis aux fidèles d’assister activement, ou de prendre part de quelque manière que ce soit aux fonctions sacrées des non catholiques. – §2. S’il existe un motif grave, en raison d’une charge civile ou pour accorder des honneurs, on peut tolérer la présence passive ou purement matérielle aux cérémonies de funérailles et de mariage, et autres du même genre, des non catholiques, pour autant qu’il n’y ait pas de danger de perversion ou de scandale; en cas de doute, le motif doit être soumis au jugement de l’évêque.[12]

La présence passive est définie par la doctrine canonique comme une présence physique doublée d’une attitude corporelle qui fasse clairement ressortir le refus de participer.[13]

Dans son laconisme, le canon laisse clairement voir l’analyse qui lui est sous-jacente: une claire distinction et une radicale opposition entre, d’une part, le culte chrétien catholique et, d’autre part, toute autre forme de culte. Entre ces deux domaines, il ne saurait y avoir en principe ni compromis ni mélange. Seul le souci pastoral vient adoucir ce principe en introduisant des tolérances, mais celles-ci doivent répondre à des circonstances exceptionnelles.

C’est en contexte missionnaire que cette notion de tolérance est apparue, et qu’elle a donné lieu à la casuistique la plus abondante. La raison en est évidente, et a été exprimée clairement déjà par le pape Paul III dans une constitution en faveur des néophytes de l’Amérique espagnole (1537):

Ainsi nous ordonnons que les nouvelles plantations de l’Église, que le Très-Haut a daigné planter aux Indes Occidentales et Méridionales [Amérique], n’ont pas à observer, jusqu’à ce qu’elles atteignent leur âge adulte, tout ce qu’observe l’Église déjà fermement établie ailleurs dans le monde; mais nous voulons les encourager comme des petits enfants en Christ en les exemptant sur quelques points.[14]

Ce texte fait ressortir un autre aspect des permissions accordées en contexte missionnaire: elles sont conçues comme intrinsèquement provisoires.[15] L’idéal est que les nouvelles Églises rejoignent dès que possible l’exacte pratique de leurs aînées européennes. Cette notion de tolérance à titre précaire et révocable a été utilisée par les auteurs (jésuites) de la première liste soumettant les « rites chinois » au jugement du Saint-Siège, en 1645: « L’on demande si l’on peut tolérer pour le moment actuel, compte tenu de la fragilité [dans la foi] de ce peuple, que les mandarins chrétiens etc. »[16] La réponse ne retient cependant pas ce type de formulation. Un siècle plus tard, au plus fort de la crise des « rites chinois », ce qui est mis en avant c’est bien plutôt le souci d’orthodoxie et d’uniformité:

Par ce qu’ils proclament en public, les ouvriers de l’Évangile doivent être à même de protéger la semence choisie de la parole de Dieu contre les vents pernicieux de la superstition. Nous voulons être des témoins unanimes et des défenseurs de la vérité.[17]

Ces deux exigences, l’orthodoxie et la tolérance, sont en rapport dialectique dans le souci pastoral de l’Église au plus haut niveau: ce fait est bien mis en évidence dans la correspondance de Clément XI avec les souverains temporels. Au roi João V du Portugal, dont le patronat avait été reconnu en 1690 sur l’évêché de Pékin, le pape écrit en 1716, un an après la Constitution Ex illa die:

Dans ce que nous avons fait jusqu’ici, nous n’avions à l’esprit aucun autre plan, aucun autre dessein si ce n’est de libérer le vaste champ de ces missions, non seulement de toute tache mais même de tout soupçon de superstition. Nous avons l’espoir que, plus ce champ où est semée la parole de Dieu sera dégagé des ronces qui menacent de l’étouffer, plus abondante et plus riche sera la moisson que Dieu lui accordera.[18]

Lorsque, quatre ans plus tard, le même pontife romain s’adresse à l’empereur de Chine Ch’ing Sheng-tsu, plus connu sous le nom de règne K’ang-hsi[19], qui s’était montré favorable au christianisme tout en lui demeurant extérieur, cela donne un texte plus nuancé:

Nous vous assurons que tous les rites et coutumes de votre noble pays que nous avons estimés compatibles avec les institutions de notre religion jouissent de notre permission. Ils sont permis à vos sujets qui sont devenus catholiques ou le deviendront à l’avenir. Au contraire, nous désapprouvons les coutumes et les rites que nous croyons être incompatibles avec notre religion. Assurément, nous n’avons jamais pensé qu’une telle prohibition pourrait vous déplaire. Dans votre incomparable clémence, vous avez il y a quelques années accordé et permis, par un décret solennel, que tous ceux qui sont sous votre juridiction seraient libres de professer la religion chrétienne. Comme nous vous l’avons déjà écrit par ailleurs, nous en concluions logiquement que, par le fait même, vous accordiez et permettiez à tous vos sujets qui embrasseraient la religion chrétienne de suivre les coutumes de notre religion, de sorte que, par ailleurs, ils seraient autorisés à rejeter celles qui sont incompatibles avec les nôtres.[20]

Le document pontifical définitif concernant les rites chinois revient à une insistance unilatérale sur la rigueur des principes et des comportements. Cette rigueur se fonde sur un jugement globalement négatif concernant les réalités culturelles et religieuses de la Chine païenne. Voici l’exorde de la Constitution Ex quo singulari, signée par Benoît XIV le 11 juillet 1742:

Depuis que la divine Providence a voulu que les régions des Indes Occidentales et Orientales soient venues à la connaissance de l’Europe, le Saint Siège apostolique, qui depuis le tout début de l’Église a toujours eu le souci de diffuser partout la lumière de la vérité évangélique, et s’est assidûment efforcé de protéger cette vérité de toute ombre d’erreur, a de même envoyé diligemment ces derniers temps des ouvriers évangéliques dans les dites régions; leur tâche était d’extirper complètement l’idolâtrie qui y dominait largement, de semer opportunément la semence de la foi chrétienne, pour changer ces friches affreuses en des vignes fertiles et florissantes capables de produire de très abondants fruits de vie éternelle. Parmi les régions qui ont le plus retenu l’attention du Saint-Siège, il faut certainement compter le très vaste empire de la Chine…[21]

De cet ensemble concordant de textes est née une casuistique précise sur ce qui, dans les rites et coutumes du monde sinisé, pouvait être toléré ou devait être rejeté. Le critère appliqué dans tous les cas est de savoir si tel geste est de nature religieuse, littéralement « superstitieuse », et donc à rejeter absolument, ou bien s’il est de nature purement séculière, « civile », et donc à la limite du tolérable.[22] En aucun cas, nous semble-t-il, il ne s’est agi de déceler des valeurs positives, susceptibles d’être intégrées en tant que telles dans la pratique de la vie chrétienne.[23]

Qu’en reste-t-il dans la législation canonique actuelle? La réponse n’est pas simple. En effet, la matière du canon 1258 de 1917 est bel et bien reprise, d’une certaine façon, par le can. 844, §1 et 2, du Code de 1983;[24] mais il s’agit exclusivement, dans ce cas-ci, des actes de culte des chrétiens non catholiques. Cette évolution du texte suit un infléchissement déjà perceptible dans la doctrine. De ce fait, la problématique en matière de rites non chrétiens, et spécifiquement de « rites chinois », n’a pas été reprise dans le nouveau code.[25] Pour déterminer le droit applicable à cette question il faut donc, aux termes des can. 19-20, se référer au Code de 1917 et à la législation subséquente, concrètement à l’instruction Plane compertum de 1939 et à son interprétation authentique, et aux constitutions et décrets de Vatican II.

 

II – Vers une valorisation des coutumes et conceptions de la vie
des peuples non européens

Les décisions prises sous le règne de Pie XI dans le sens d’une libéralisation, et qui aboutirent au lendemain de sa mort à la rédaction de l’instruction Plane compertum, restent fortement marquées par la problématique de tolérance vis-à-vis de gestes rituels estimés purement civils et donc neutres, ni bons ni mauvais.

C’est le cas de la longue liste de « tolerari potest » et de « non licet » adoptée en mars 1935 par la conférence des ordinaires du Manchukuo[26], et approuvée par un rescrit de la S.C. pour la Propagation de la Foi à Mgr Auguste Gaspais, Vicaire apostolique de Kirin, daté du 28 mai 1935[27]; cette liste compte à juste titre comme la première brèche pratiquée dans les prohibitions du 18e siècle. Le critère utilisé en droit pour accorder la tolérance, souligné dans le rescrit par une citation entre guillemets, est l’absence de toute composante religieuse dans les cérémonies permises: « absolute non habere ullam religiosam indolem. » De plus, l’argumentation en fait s’appuie, non plus sur un jugement prudentiel ecclésiastique comme dans le passé, mais sur l’assertion d’une autorité civile totalement étrangère au christianisme, en l’occurrence la Direction des cultes du gouvernement du Manchukuo.

Dans la décision concernant les rites patriotiques japonais[28], qui intervint un an après celle en faveur du Manchukuo, les mêmes critères en droit et en fait sont à nouveau exprimés:

Il s’agit des actes qui, bien que provenant primitivement des religions païennes, ne sont pas intrinsèquement mauvais, mais en eux-mêmes indifférents; et qui ne sont pas imposés en tant que signes d’appartenance religieuse mais comme actes civiques destinés à manifester et à entretenir l’amour de la patrie, étant écartée toute intention d’obliger les catholiques ou les non catholiques à montrer quelque attachement que ce soit aux religions dont ces rites sont issus.[29]

À l’appui du caractère « indifférent » des rites civiques concernés, l’instruction cite l’avis officiel donné à l’archevêque de Tokyo par le Ministère japonais de l’Instruction publique, ainsi qu’une loi japonaise de 1899, qui se trouve ainsi en quelque sorte canonisée.

Sur plusieurs points cependant, la même instruction dépasse cette problématique restrictive. Tout d’abord, la réflexion sur le cérémonial public imposé par l’État induit par analogie une réflexion sur les rites de la vie courante, en l’occurrence le mariage et les funérailles. L’argument de droit est toujours formulé en termes négatifs (absence de caractère religieux), mais l’argument de fait s’appuie cette fois sur le jugement des gens d’Église:[30]

De façon analogue, les actes qui selon les coutumes nationales sont accomplis au cours des événements comme les funérailles et les mariages, bien qu’ils aient peut-être une origine religieuse, sont employés de nos jours au Japon sans aucune implication religieuse, mais simplement comme une façon courtoise de montrer de la bienveillance envers les proches et les amis. De la sorte, ils semblent bien avoir perdu leur lien intrinsèque avec les religions païennes et s’être transformés en coutumes purement civiles.[31]

Un autre changement nous semble plus profond encore. L’instruction omet toute référence au Code, ou aux textes classiques condamnant les « rites chinois », pour se réclamer d’un texte plus ancien ainsi remis en honneur: les Instructions rédigées en 1659 par le dicastère missionnaire pour les Vicaires apostoliques en partance pour l’Extrême-Orient. Voici la longue citation incluse entre guillemets dans le document de 1936:

Ne mettez aucun zèle, n’avancez aucun argument pour convaincre ces peuples de changer leurs rites, leurs coutumes et leurs mœurs, à moins qu’ils ne soient évidemment contraires à la religion et à la morale. … La foi ne repousse ni ne blesse les rites ni les usages d’aucun peuple pourvu qu’ils ne soient pas détestables, mais bien au contraire veut qu’on les garde et qu’on les protège. Il est pour ainsi dire inscrit dans la nature de tous les hommes d’estimer, d’aimer, de mettre au-dessus de tout au monde les traditions de leur pays, et ce pays lui-même. Aussi n’y a-t-il pas de plus puissante cause d’éloignement et de haine que d’apporter des changements aux coutumes propres à une nation, et plus particulièrement à celles qui sont l’héritage immémorial reçu des parents. … Quant aux usages qui sont franchement mauvais, il faut les ébranler plutôt par des hochements de tête et des silences que par des paroles, en profitant des occasions dans lesquelles les esprits sont bien disposés à accueillir la vérité, de sorte qu’ils soient éliminés progressivement et insensiblement…[32]

Il faut peut-être regretter que l’on ait alors remplacé par des points de suspension des expressions parmi les plus fortes du texte de 1659, susceptibles de souligner davantage encore le changement de perspective demandé ou souhaité par le dicastère romain:

Ne mettez donc jamais en parallèle les usages de ces peuples avec ceux de l’Europe; bien au contraire, empressez-vous de vous y habituer. Admirez ce qui mérite louange.[33]

Sans doute a-t-on reculé alors devant ce qui pouvait apparaître comme un désaveu d’une ligne de conduite rigide vis-à-vis des « rites chinois », en honneur depuis plus de deux siècles et sanctionnée par les plus hautes autorités de l’Église.[34] Pourtant, sous l’impulsion de Pie XI, les mentalités étaient en train d’évoluer justement vers un a priori positif à l’égard des valeurs véhiculées par les cultures locales[35], y compris dans leur expression religieuse. Cela est déjà patent dans la lettre adressée un an plus tôt par la S.C. pour la Propagation de la Foi au même délégué apostolique Paolo Marella (1er juin 1935). Il s’agissait en l’occurrence de reconnaître la valeur de créations artistiques chrétiennes dans la tradition esthétique du Japon. On est ici aux antipodes de la casuistique de tolérance et d’indifférence encore perceptible dans les deux documents contemporains concernant les rites:

Un art qui soit en même temps profondément catholique et typiquement national montrera de façon tangible, et donc plus efficace, que l’Église ne s’identifie ni n’est liée à aucune forme particulière de culture, mais qu’elle accueille, pour le sanctifier, ce que chaque peuple a de bon et de beau. Il contribuera en même temps à une floraison chrétienne plus abondante parmi les catholiques du Japon, parce qu’il les éduquera à canaliser vers la vie spirituelle toutes les énergies de leur esprit, avec ses qualités particulières d’intelligence et de sensibilité.[36]

Quant à l’Instruction Plane compertum de 1939, dont il a été question ci-dessus, elle n’apporte rien de nouveau à la problématique. Outre l’abandon du serment, son but est de généraliser à toute l’aire culturelle sinisée les dispositions nouvelles précédemment accordées au Manchukuo et au Japon, expressément citées. L’unique référence directe au Code concerne le can. 22/1917, qui précise les rapports entre la loi postérieure et la loi antérieure. Pour le reste, elle se contente de rappeler le départ à faire entre rites purement civils et rites à composante religieuse. Les attendus se réfèrent à la nécessaire adaptation de la loi à des circonstances nouvelles, et à l’exigence de sa cohérence interne.

La nouveauté viendra deux ans plus tard dans l’interprétation authentique (« mens ») que la S.C. pour la Propagation de la Foi donne de son propre document, dans laquelle il faut reconnaître un stade ultérieur de développement du droit:

Il faut absolument éviter la composition d’un catalogue de cérémonies permises ou défendues, qui pourrait engendrer le danger de retomber dans les discussions casuistiques: celles-ci ressusciteraient sous une nouvelle forme les anciennes querelles. Si le besoin s’en fait sentir, les Ordinaires pourront donner des orientations et normes générales; mais attendu que nous sommes dans une période de transition, qu’ils évitent de descendre dans des spécifications détaillées; et qu’ils laissent du champ aux prêtres et aux bons chrétiens laïcs pour se diriger selon leur conscience dans les cas particuliers.[37]

Le premier élément caractéristique est ici l’appel au bon sens des fidèles d’Asie orientale, estimés désormais adultes dans la foi. On se souvient que la constitution de Paul III (1537) utilisait déjà la notion d’âge adulte, âge auquel les néophytes devaient accéder dans un avenir indéterminé. Dans son optique, la maturité leur permettrait d’adopter l’ensemble des observances des pays d’ancienne chrétienté. Dans le texte de 1941, l’âge adulte des intéressés doit bien plutôt inciter l’Église à les laisser exprimer à leur manière, selon leurs « qualités particulières d’intelligence et de sensibilité », la foi authentique dont ils sont porteurs. Le second élément qu’il faut souligner ici, c’est le sentiment que l’évolution vers une approche entièrement nouvelle du problème, reposé dans sa globalité, ne fait que s’esquisser[38]. Dans ce sens, le texte de 1941 annonce déjà les prises de position ultérieures, consacrées par le Concile Vatican II.

Le décret Plane compertum était applicable non seulement à la Chine, mais dans tous les pays où le serment imposé par Clément XI et Benoît XIV avait été introduit, donc au Viêt-nam. Pour ce pays, il fallut cependant attendre plus de vingt ans pour que les évêques demandent au Saint-Siège d’en bénéficier et en réglementent l’application pour leur territoire. Il ne s’agit plus alors de composer avec des règlements civils ayant pour but de soutenir le patriotisme; aussi l’instruction de la Conférence épiscopale du Viêt-nam (partie sud du pays, alors divisé en deux États), datée du 14 juin 1965, concerne surtout la vénération des ancêtres telle qu’elle se pratique dans le cadre familial.[39] À ce moment, l’enseignement de Vatican II sur le sujet se fait clairement sentir; mais le texte reste marqué par l’optique traditionnelle, hésitant en fait entre la tolérance (ou permission) pour des coutumes extérieures à la foi et des encouragements à donner à des pratiques susceptibles d’apporter une contribution positive à la vie chrétienne. La raison du délai anormalement long entre le décret et son application, et de la grande réserve dans sa formulation, est à chercher dans l’expérience ecclésiale vietnamienne, marquée par des siècles d’obéissance héroïque aux dispositions précédentes du droit, au milieu des persécutions et des apostasies occasionnées notamment par l’intransigeance en matière de rites traditionnels.

 

III – Concours des rites ethniques au ministère de sanctification

En parcourant quelques-uns des textes jalonnant l’histoire des « rites chinois », il ressort clairement qu’il s’est agi surtout d’accepter dans la vie des fidèles, ou plutôt de tolérer, des éléments de cultures étrangères à la chrétienté, jugés comme moralement neutres et sans danger pour la foi. La tendance prédominante dans l’histoire du droit a été une interprétation restrictive de cette tolérance, impliquant une suspicion a priori vis-à-vis de ce qui reste une série de corps étrangers, la vie chrétienne devant trouver par ailleurs toute sa place. À la veille du Concile Vatican II, la doctrine canonique n’a pas encore pris la pleine mesure de l’évolution annoncée par le Saint-Siège, dès 1939-1941, si l’on en croit l’article consacré aux « Missions » dans le Dictionnaire de Droit Canonique:

Pour ne pas indisposer les infidèles dès le premier abord, on évitera de commencer la prédication par des attaques ou des critiques contre leurs croyances ou leurs rites. Une telle discussion ne doit intervenir qu’au moment où on les sait déjà favorablement disposés en faveur du christianisme, et conserver toujours le ton de la courtoisie.[40]

Mais dès la première Constitution adoptée par Vatican II, celle sur la liturgie, le problème est posé, et ce en termes repris presque littéralement des Instructions de 1659, avec un a priori résolument positif:

L’Église cultive et promeut les beautés et les qualités d’esprit de chaque nation et de chaque peuple. Tout ce qui, dans leurs mœurs, n’est pas entaché d’un lien indissoluble avec la superstition et les erreurs, elle l’estime avec bienveillance et, si possible, elle en assure la parfaite conservation, voire parfois l’admet dans la liturgie elle-même.[41]

Le dernier point n’est pas vraiment nouveau: l’incorporation au cours des âges d’éléments d’origine allogène dans la liturgie chrétienne avait été évoquée par Pie XII.[42] Mais il nous semble que d’envisager cela comme une possibilité concrète ayant un avenir a constitué une étape pour le Concile. En la matière, l’initiative revient à l’Église locale et la décision finale au Saint-Siège.[43]

Pour une réflexion plus fondamentale sur l’ecclésiologie sous-jacente, il faut logiquement se référer à la Constitution dogmatique sur l’Église Lumen Gentium. La mention expresse des rites n’est pas, nous semble-t-il, le moindre intérêt de cette prise de position de principe.

Par son action, l’Église fait en sorte que tout ce qui est semé de bon dans le cœur et l’esprit des hommes, ou dans les rites et les cultures propres à chaque peuple, non seulement ne périsse pas mais soit assaini, élevé et porté à sa plénitude pour la gloire de Dieu, la confusion du démon et le bonheur de l’homme.[44]

Nous avons vu plus haut comment le décret conciliaire sur l’activité missionnaire de l’Église tire les conséquences de cette déclaration générale d’intention. Dans le même sens, la déclaration du Concile sur l’Église et les religions non chrétiennes Nostra Ætate propose aux fidèles tout un programme d’action résolument positif vis-à-vis de ces religions, y compris de leurs croyances. Toutefois, les rites proprement dits ne sont pas mentionnés.

L’Église ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions [“quae in his religioni­bus vera et sancta sunt”]. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoi qu’elles diffèrent en beaucoup de points de ce qu’elle-même tient et propose, cependant apportent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes. Toutefois, elle annonce, et elle est tenue d’annoncer sans cesse, le Christ qui est la plénitude de la vie religieuse et dans lequel Dieu s’est réconcilié toutes choses. Elle exhorte donc ses fils pour que, avec prudence et charité, par le dialogue et par la collaboration avec ceux qui suivent d’autres religions, et tout en témoignant de la foi et de la vie chrétiennes, ils reconnaissent, préservent et fassent progresser les valeurs spirituelles, morales et socioculturelles qui se trouvent en eux.[45]

Mais il revenait à Paul VI d’élaborer et de préciser davantage les principes d’ecclésio­logie sous-jacents, notamment dans son encyclique Evangelii nuntiandi sur l’évangéli­sation dans le monde moderne (8 décembre 1975). Le pape rappelle que l’Évangile est indissolublement uni aux cultures qu’il est appelé à imprégner, et chaque culture doit être évangélisée.[46] Il poursuit:

… L’Église universelle s’incarne en pratique dans les Églises individuelles, issues de telle ou telle portion de l’humanité, parlant telle langue, héritière d’un patrimoine culturel, d’une vision du monde, d’un passé historique, d’un substrat humain particulier. … Il faut cependant se garder absolument de concevoir l’Église universelle comme la somme ou … une fédération … d’Églises individuelles essentiellement différentes. Dans le plan de Dieu, l’Église est universelle par vocation et par mission, mais lorsqu’elle prend racine dans une variété de terrains culturels, sociaux et humains, elle revêt des expressions extérieures et des apparences diverses dans les diverses parties du monde. … Seule une attention constante à ces deux pôles de l’Église nous permettra de saisir la richesse de cette relation entre l’Église universelle et les Églises individuelles.[47]

On voit s’esquisser ici une nouvelle problématique; l’attention n’est plus centrée sur une tension bipolaire entre l’orthodoxie de la foi et de la pratique ecclésiale d’une part, et la tolérance vis-à-vis des éléments hétérogènes d’autre part. Il s’agit bien plutôt de la mise en valeur de ces derniers, de leur intégration dans la vie ecclésiale, en contrepoint avec l’indispensable maintien d’une unité organique forte dans le tissu ecclésial; autrement dit d’une dialectique d’unité et de diversité, ou les rites venant des traditions ethniques et religieuses des peuples trouvent leur place, et contribuent à structurer la physionomie des jeunes Églises.

Dès avant la parution d’Evangelii nuntiandi, l’Église du Viêt-nam (Sud) avait cherché à prendre la mesure des nouvelles orientations en matière missionnaire. Le 14 novembre 1974, à l’issue d’un colloque national sur l’évangélisation, l’épiscopat décidait de publier une déclaration donnant des directives plus précises sur la vénération des ancêtres, prêtes depuis plus de deux ans déjà.[48]

La nouveauté de ce texte, nous semble-t-il, est la suivante: il ne s’agit plus pour les chrétiens de tolérer ou non des pratiques païennes plus ou moins compatibles avec la foi, mais bien de prendre l’initiative d’exprimer leurs convictions chrétiennes et leur idéal moral à travers des gestes empruntés aux traditions locales. L’instruction épiscopale de 1965 avait soigneusement omis de mentionner l’autel des ancêtres, qui est à la place d’honneur dans toute maison traditionnelle, ainsi que les cérémonies qui s’y déroulent. Le nouveau texte permet aux chrétiens, pour la première fois depuis le 17e siècle, de prendre à leur compte ces usages, tout en réglementant leur agencement de façon à éviter l’apparence de pratiques superstitieuses. Il ne s’agit certes que d’une permission: les familles chrétiennes les plus ferventes avaient trop longtemps exprimé leur fidélité héroïque à l’Église en refusant tout compromis à ce sujet, et un changement de mentalité de cette ampleur prend du temps. Mais la valorisation positive des usages traditionnels montre que ceux-ci jouissent désormais de la faveur du droit: « Le sens de la vénération des ancêtres, selon les coutumes locales, est une obligation de la piété filiale… que le Seigneur lui même a enseignée. »

Ces directives de 1972-1974 furent brièvement rappelées au début de l’année suivante dans une lettre pastorale sur l’évangélisation.[49] Celle-ci confirme le déplacement de la problématique du culte des ancêtres vers une perspective d’ouverture missionnaire, où les agents sont désormais les fidèles vietnamiens eux-mêmes. Il s’agit d’un encouragement à établir avec les non chrétiens un nouveau type de rapports, fondés sur les valeurs culturelles communes et leur expression cultuelle traditionnelle. Malheureusement, les événements qui suivirent la chute de Saigon, en avril 1975, ne permirent pas d’organiser la mise en œuvre de ce texte de manière entièrement satisfaisante. La réunification du pays, en outre, compliquait la question du fait que, durant la guerre, l’épiscopat et l’ensemble des fidèles au Nord du pays n’avaient pas pu suivre de façon appropriée les évolutions induites par Vatican II.

 

IV – La situation depuis la publication du nouveau Code de Droit canonique

Le Code de 1983 n’a pas voulu légiférer de manière détaillée en la matière. Il faut mentionner les canons généraux sur les Églises particulières (can. 368-369), où la question de la diversité culturelle de la vie ecclésiale est présente implicitement mais non articulée. Quant à la description du ministère pastoral de l’évêque diocésain, l’accent y est mis essentiellement sur le maintien de l’unité, laissant dans l’ombre son rôle pour la reconnaissance ou la protection d’expressions particulières (can. 386 §2, can. 392 §1).[50] Par ailleurs, le législateur a réglementé surtout en matière liturgique: le principe d’une certaine adaptation culturelle des gestes et symboles liturgiques étant établi, le souci prioritaire est la régulation de ses modalités, l’initiative revenant pour l’essentiel aux conférences épiscopales, l’approbation ultime (ou, selon le cas, la recognitio) au Saint-Siège, et l’application concrète à l’évêque diocésain.[51]   

Ces règles concernant la liturgie ont reçu, il est vrai, un ample développement dans l’instruction de la Congrégation romaine pour le Culte divin et la discipline des sacrements, sur La liturgie romaine et l’inculturation, datée du 25 janvier 1994.[52] La partie normative de ce document comprend, outre les principes généraux, une section traitant des adaptations prévues par les livres liturgiques (n° 53-62), et une section sur les adaptations « plus radicales », selon le n° 40 de la Constitution conciliaire Sacrosanctum Concilium (n° 63-69). Les exemples donnés dans la première restent plutôt limités à des points de détail, que d’aucuns appelleront folkloriques[53]. Le second type d’adaptation est conçu comme un cas tout à fait exceptionnel[54]. Le texte est fortement marqué par une volonté de prudence vis-à-vis du danger de syncrétisme. La procédure appropriée est prévue, qui n’est pas sans rappeler certaines solutions retenues en 1935-1936.[55]

Quant aux canons du Code sur l’activité missionnaire, ils restent très largement en retrait des textes conciliaires et pontificaux. La culture propre des peuples objets de l’évangélisation n’est mentionnée que pour le dialogue avec les non chrétiens, avec le souci de faciliter leur découverte de l’Évangile; aucune allusion n’est faite à la culture dont seraient dépositaires les convertis, ni à une vie ecclésiale des chrétientés d’implan­tation récente qui soit adaptée au génie national ou ethnique:

Can. 787 - § 1. Que par le témoignage de leur vie et de leur parole, les missionnaires instaurent un dialogue sincère avec ceux qui ne croient pas au Christ, afin que d’une manière adaptée au génie et à la culture de ces derniers, leur soient ouvertes des voies qui puissent les amener à connaître le message évangélique.[56]

Un tel silence sur ce sujet dans le droit codifié ne doit pas étonner outre mesure. Si l’on considère les écrits du pontife romain qui ont suivi la promulgation de ce Code, il apparaît évident que la recherche doit être poursuivie vers un nouvel énoncé des questions canoniques, et vers de nouvelles solutions qui fassent justice à la double exigence d’adaptation[57] et d’unité, qui est reconnue discrètement dans le Code.

À ce propos, l’encyclique de Jean-Paul II[58] sur la validité permanente du mandat missionnaire de l’Église Redemptoris missio (7 décembre 1990) est un véritable programme d’action, développé sous le titre général d’inculturation[59] repris à la missiologie contemporaine.

Le processus d’insertion de l’Église dans les cultures des peuples demande beaucoup de temps: il ne s’agit pas d’une simple adaptation extérieure, car l’inculturation signifie une intime transformation des authentiques valeurs culturelles par leur intégration dans le christianisme, et l’enracinement du christianisme dans les diverses cultures humaines. C’est donc un processus profond et global qui engage le message chrétien de même que la réflexion et la pratique de l’Église. Mais c’est aussi un processus difficile, car il ne doit en aucune manière compromettre la spécificité et l’intégrité de la foi chrétienne. […]

Grâce à cette action dans les Églises locales, l’Église universelle elle-même s’enrichit d’expressions et de valeurs nouvelles dans les divers secteurs de la vie chrétienne, tels que l’évangélisation, le culte, la théologie, les œuvres caritatives. […]

Les communautés ecclésiales en formation … pourront exprimer progressivement leur expérience chrétienne d’une manière originale, dans la ligne de leurs traditions culturelles, à condition de demeurer en harmonie avec les exigences objectives de la foi proprement dite.[60]

Le pape poursuit ensuite en rappelant, outre la recherche d’un juste équilibre et l’indis­pensable patience et prudence, les critères permettant de reconnaître une authentique adaptation. Ceux-ci sont essentiellement de deux ordres: compatibilité avec l’Évangile et communion avec l’Église universelle.[61] Sur un point important, l’encyclique est en progrès par rapport aux textes de Vatican II. Le Concile, en effet, avait demandé que ceux qui exercent le ministère épiscopal sachent s’entourer des conseils d’experts. Jean-Paul II déclare quant à lui:

L’inculturation doit être l’affaire de tout le Peuple de Dieu et pas seulement de quelques experts, car on sait que le peuple reflète l’authentique sens de la foi [“sensus fidei”] qu’il ne faut jamais perdre de vue. […] L’inculturation doit être l’expression de la vie communautaire, c’est-à-dire mûrir au sein de la communauté, et non pas le fruit exclusif de recherches érudites. La sauvegarde des valeurs traditionnelles est l’effet d’une foi mûre.[62]

À notre sens, cette manière de voir explique pourquoi il est important que l’Église ne légifère pas de façon prématurée en matière d’inculturation, telle qu’elle est conçue dans l’encyclique. La vie doit précéder. Le domaine de la liturgie constitue jusqu’à un certain point une exception, du fait que l’expérimentation en matière liturgique s’est amplement déployée dans les années post-conciliaires et a fait l’objet de diverses supervisions et évaluations. Pour tous les autres aspects concernés par le dialogue entre la culture chrétienne et les cultures[63], le temps n’est pas mûr[64].

 

V – Application: un exemple

Du fait que le Viêt-nam fait partie depuis deux millénaires de l’aire culturelle chinoise au sens large, il n’existe pas de question des « rites vietnamiens » qui soit distincte de celle des rites chinois. Les polémiques ont eu dans ce pays leurs échos plus ou moins violents, plus ou moins étouffés selon les circonstances, et les décisions concernant la Chine y furent intégralement appliquées. Restent quelques réponses et décisions historiques propres au Viêt-nam, ainsi qu’une problématique contemporaine distincte, le pays étant aujourd’hui largement émancipé de son ancienne dépendance culturelle, à la suite des divers sursauts nationalistes qui ont traversé le 20e siècle.

Les archives de la Congrégation romaine pour la Propagation de la Foi gardent le texte d’une réponse officielle donnée par la Congrégation générale de ce dicastère, en date du 4 septembre 1663, dont voici le texte:

Au Tonkin et en Cochinchine, on a coutume de solenniser les trois premiers jours de l’année lunaire nouvelle; aussi demande-t-on si l’on peut manger de la viande quand ces jours tombent le vendredi ou le samedi, ou pendant le Carême; et que pendant ces jours l’on concède une indulgence à ceux qui visiteront l’église, feront une aumône ou une autre œuvre pie.

Réponse: Attendu que la solennité en question n’a rien à voir avec l’Église, et qu’elle ne représente aucun mystère de la foi chrétienne, [l’objet de la demande] ne convient d’aucune manière ni ne doit être concédé.[65]

Comme le nouvel an chinois, le « Teát nguyeân ñaùn » vietnamien (fête de la première aube) se situe à mi-chemin entre le solstice d’hiver et l’équinoxe de printemps, ce qui veut dire qu’il coïncide approximativement avec le début du Carême. Il s’agit sans conteste dans le calendrier traditionnel de la fête la plus importante, et elle le reste aujourd’hui. Le « Teát » doit obligatoirement être fêté joyeusement – mais aussi cérémonieusement selon les rites reçus. Il s’impose à tous, et prend le pas sur toute activité humaine. Le sens symbolique est celui d’un nouveau commencement en toute chose[66].

Les cérémonies comprennent une réunion familiale, chacun ayant le devoir de revenir à la maison paternelle, ou du moins de rendre visite à ses parents et maîtres. Les derniers jours de l’année, et surtout la dernière nuit (« giao thöøa », nuit de l’effacement des mauvaises habitudes), doivent remettre de l’ordre dans la vie de chaque famille et de chaque personne. Le nouvel an arrivé, on est un « homme nouveau » qui a oublié malveillance et ressentiment, résolu à être bon et généreux. Cet état d’esprit est de l’ordre du bon présage, mais a indiscutablement une valeur morale. L’obligation de bonté se concrétise par une visite à la pagode, lieu par excellence de la miséricorde[67], pour y faire des offrandes et y obtenir la protection du Bouddha et de « l’Empereur de Jade »[68]. Par ailleurs, plusieurs cérémonies et signes de bon augure sont utilisés dans le cadre familial pour éloigner les mauvais esprits et attirer les bons.

Dans le Viêt-nam du 17e siècle, le Prince souverain inaugurait solennellement le sceau judiciaire de la nouvelle année, sacrifiait au Ciel et à la Terre, et ouvrait symboliquement le premier sillon.

Mais la signification la plus profonde du Teát est liée au culte des ancêtres:

Lorsque le Têt arrive, tous les membres de la famille se réunissent devant l’autel, à la première heure de l’année nouvelle, … pour accueillir les Ancêtres… Le chef de famille leur souhaite la bienvenue, exprime le bonheur des siens et les prie de recevoir les offrandes. On se prosterne… devant l’autel comme s’ils y étaient présents… Durant les jours de fête, les Ancêtres demeurent parmi leurs descendants pour recevoir l’hommage de leur respect et de leur attachement.[69]

Voilà donc la fête que les missionnaires se sont efforcés de faire passer dans le christianisme. La première demande concernant l’abstinence s’appuie sur le fait que, dans la mentalité vietnamienne, la pénitence et le retour sur les dettes anciennes sont de mise les jours précédant le Teát, mais doivent obligatoirement être mis entre parenthèses pendant les trois jours solennels. La demande pouvait s’appuyer sur un précédent, à savoir les dérogations accordées par Paul III, en 1537, pour l’Amérique espagnole.[70] Le refus d’accorder en faveur du Viêt-nam l’objet de cette demande sera rappelé, en termes tout aussi catégoriques, en 1770.[71] Aujourd’hui, la question est dépassée, et l’épiscopat vietnamien déplace, s’il y a lieu, la célébration du début du Carême.[72]

La seconde demande est beaucoup plus intéressante, car elle tend à innover dans le but d’intégrer dans la pratique chrétienne un usage non chrétien qui est jugé bon et utile. La plupart des rites traditionnels marquant la célébration du Teát étaient à considérer, du point de vue alors prédominant, comme explicitement païens. Mais les auteurs de la demande souhaitaient visiblement faire de cette fête incontournable une occasion de sanctification pour les néophytes, en remplaçant certains éléments non chrétiens par un équivalent chrétien: la visite de la pagode deviendrait visite de l’Église; les mérites acquis à la pagode par l’exercice de la miséricorde seraient désormais acquis par des œuvres de charité chrétienne; les offrandes aux âmes des parents et ancêtres défunts céderaient la place aux indulgences chrétiennes.

Faute d’avoir pu examiner le dossier remis à Propaganda Fide, nous présumons que la demande était trop laconique ou mal formulée. Quoi qu’il en soit, la réponse sévère de Rome mérite d’être examinée de près. La fête du nouvel an n’est pas condamnée comme telle, mais elle est déclarée étrangère aux préoccupations de l’Église. En d’autres termes, si on la dépouille de ses éléments « païens » et « superstitieux », il ne reste qu’une célébration laïque et neutre, tolérable mais ne présentant pas d’intérêt pour l’évangélisation. Sans doute les cardinaux romains n’avaient-ils pas alors conscience de l’origine de certaines fêtes d’obligation du calendrier chrétien: Noël au solstice d’hiver, ou encore la fête de la Circoncision au 1er janvier. Cette dernière n’est sans doute pas devenue jour d’obligation parce que la circoncision de Jésus Christ représentait l’un des mystères essentiels de la foi chrétienne, mais parce que l’on a voulu offrir au peuple chrétien européen l’occasion de sanctifier les fêtes du nouvel an[73].

C’est ici aussi que l’on touche du doigt la limite du raisonnement longtemps prévalent sur la tolérance vis-à-vis de certains rites, et l’intérêt de la pensée actuelle sur le sujet, exprimée fortement dans l’encyclique Redemptoris missio déjà citée:

L’Église ouvre ses portes et devient la maison dans laquelle tous peuvent entrer et se sentir à leur aise, en conservant leur culture et leurs traditions, pourvu qu’elles ne soient pas en opposition avec l’Évangile…

La présence et l’activité de l’Esprit ne concernent pas seulement les individus, mais la société et l’histoire, les peuples, les cultures, les religions. En effet, l’Esprit se trouve à l’origine des idéaux nobles et des initiatives bonnes de l’humanité en marche. … C’est encore l’Esprit qui répand les « semences du Verbe », présentes dans les rites et les cultures, et les prépare à leur maturation dans le Christ.[74]

Autrement dit, dans la pensée du pontife actuel, il est possible et nécessaire que ce qu’il y a de bon dans les rites et coutumes antérieurs au christianisme trouve toute sa place dans le vécu chrétien. Rien ne devrait s’opposer à ce que le canon 1244 §1 puisse trouver ici une application[75], de sorte que le Teát figure parmi les fêtes chrétiennes.

Un important précédent existe à la suite de la demande formulée, en 1970, par la Conférence épiscopale du Laos et du Cambodge, deux pays voisins du Viêt-nam et qui présentent plusieurs similarités culturelles avec lui bien qu’ils ne soient pas directement dans la sphère d’influence culturelle chinoise. Il s’agissait en l’occurrence de déplacer la fête de la Toussaint et la Commémoraison des fidèles défunts pour les faire coïncider, au Cambodge, avec les célébrations annuelles traditionnelles en l’honneur des morts.[76] Les arguments avancés sont tels que le Viêt-nam n’aurait guère de difficulté à les faire siens.[77] Non seulement le Saint-Siège accorda l’objet de la demande,[78] mais il voulut en faire un principe général, applicable dans toute l’Église chaque fois que l’adaptation aux réalités culturelles l’exigerait; un alinéa dans ce sens fut ajouté à l’instruction, en cours de préparation, sur les calendriers particuliers et sur la confirmation (recognitio) des offices et messes propres .[79]

 

VI – Reposer la question du culte des ancêtres?

Pour résoudre la question pluriséculaire d’une fête chrétienne du Teát, l’épiscopat vietnamien a en fait suivi, après Vatican II, une voie légèrement différente: il n’a pas demandé de déplacer la fête liturgique du 1er janvier, mais a choisi de donner à la fête traditionnelle une expression liturgique. Le missel romain édité en langue vietnamienne sous la responsabilité de la commission liturgique de la conférence épiscopale du Viêt-nam comporte une section intitulée « messes selon la tradition nationale ».[80] Cette section comprend, outre une messe pour la fête de la mi-automne (fête traditionnelle des enfants[81]), cinq formulaires de messe pour le Teát Nguyeân ñaùn[82], couvrant les divers aspects de la fête dont il a été question plus haut. Ces formulaires liturgiques sont pour la plupart analogues à ceux qui se trouvent déjà, sous diverses dénominations, dans l’édition typique du missel. Seul celui du deuxième jour (mémoire des ancêtres, aïeux et parents) nous semble une création originale. C’est aussi, de notre point de vue, le plus important, du fait qu’il se propose de formuler la vénération traditionnelle des ancêtres en termes chrétiens.

La façon de faire décrite ci-dessus pose nécessairement la question de la place du culte ou vénération des ancêtres[83] dans la vie des chrétiens vietnamiens. C’est là avant tout une question théologique, comme le décret conciliaire Ad Gentes le laissait entendre. Ainsi, dans la traduction approuvée de l’ordinaire de la messe en vietnamien, le mémento des défunts inclut une phrase qui se veut culturellement adaptée:

Xin Cha cuõng nhôù ñeán anh chò em tín höõu chuùng con ñang an nghæ chôø ngaøy soáng laïi, vaø nhöõng ngöôøi ñaõ qua ñôøi maø chæ coøn bieát nhôø vaøo loøng thöông xoùt cuûa Cha. Ñaëc bieät, xin Cha nhôù ñeán caùc baäc toå tieân vaø thaân baèng quyeán thuoäc chuùng con ñaõ lìa coõi theá…

Souviens-toi aussi des fidèles, nos frères et sœurs, qui reposent en paix dans l’attente de la résurrection, et des personnes défuntes qui ne peuvent que s’en remettre à ta miséricorde. Souviens-toi particulièrement, Père, de nos ancêtres, et de nos parents et amis qui ont quitté ce monde…[84]

Cette adjonction en apparence anodine choque en fait un certain nombre de Vietnamiens, notamment parmi les classes cultivées. La notion vietnamienne d’ancêtres (« toå tieân »), en effet, n’accepte pas bien d’en faire l’objet d’une prière où ils figurent au nombre des pécheurs recommandés à la miséricorde divine.[85] Le rapport des vivants aux ancêtres est de l’ordre de la piété filiale:[86] les enfants doivent aimer et honorer les parents après leur mort comme de leur vivant, suivre les exemples qu’ils ont donnés, respecter l’ordre et les usages qu’ils ont établis. Lorsque l’on s’acquitte ponctuellement des devoirs de la piété filiale, les ancêtres sont présents au milieu de la famille et leur influence s’exerce pour le bien des membres vivants. Autrement dit, les ancêtres sont à inclure dans la catégorie des « saints », au sens vietnamien du terme (« thaùnh »), plus que dans celle des pécheurs.

Nghi thöùc toân kính toå tieân, raát thònh haønh taïi Vieät Nam chuùng toâi, cuõng nhö trong theá giôùi Trung Hoa, … laø moät caùch huøng hoàn vaø maïnh meõ ñeå lieân keát mình vôùi Nguoàn Goác Thaät cuûa moïi söï, Nguoàn Goác maø khoâng ai bieát roõ ñöôïc, nhöng laø Nguoàn Goác maø töø ñoù moïi söï soáng phaùt sinh trong söï hoøa hoïp vôùi nhau.

Les cérémonies de vénération des ancêtres, si développées chez nous comme dans le monde chinois, et sans lequel aucun homme n’est vraiment humain, sont … une façon éloquente et forte d’entrer en communication avec la « Véritable Origine de toute chose »,[87] cette Origine que nul ne connaît mais dont toute vie découle harmonieusement.[88]

Ce type de relation aux ancêtres semble bien avoir été reconnu par Clément XI, le pape de la condamnation des « rites chinois », dans sa lettre déjà citée à l’empereur K’ang-hsi écrite en 1719, au plus fort de la crise:

Il n’y a rien à craindre de ceux qui professent notre religion… Loin de désapprouver le fait que ses fidèles fassent mémoire avec reconnaissance des ancêtres, envers lesquels ils reconnaissent leur grande dette, [la religion chrétienne] ordonne strictement à ses enfants d’accorder aux parents tout honneur et toute révérence. Ainsi les enfants eux-mêmes seront bénis et auront une longue vie sur terre.[89]

Dans la même ligne, mais avec l’impulsion supplémentaire donnée par le Concile, cette façon d’envisager la vénération des ancêtres a été mise en œuvre dans le formulaire composé pour la messe du deuxième jour de l’année lunaire et intégré dans l’édition vietnamienne du missel romain. En voici quelques extraits significatifs[90]:

Lôøi nguyeän nhaäp leã : Laïy Chuùa laø Cha raát nhaân töø, Chuùa daïy chuùng con phaûi giöõ loøng hieáu thaûo. Hoâm nay nhaân dòp ñaàu naêm môùi chuùng con hoïp nhau ñeå kính nhôù toå tieân vaø oâng baø cha meï. Xin Chuùa traû coâng boäi haäu cho nhöõng baäc ñaõ sinh thaønh döôõng duïc chuùng con, vaø giuùp chuùng con luoân soáng cho phaûi ñaïo ñoái vôùi caùc ngaøi…

Collecte: … Père de miséricorde, tu nous as enseigné à pratiquer la piété filiale. Aujourd’hui, à l’occasion du Nouvel An, nous nous sommes réunis pour honorer la mémoire de nos ancêtres, aïeux et parents. Daigne récompenser avec surabondance ceux qui nous ont mis au monde, qui nous ont nourris et élevés, et aide-nous à toujours vivre conformément à notre devoir à leur égard…

Lôøi nguyeän tieán leã : …Cuùi xin Chuùa vui loøng chaáp nhaän maø tuoân ñoå hoàng aân xuoáng treân toå tieân vaø oâng baø cha meï chuùng con, ñeå chuùng con cuõng ñöôïc thöøa höôûng phuùc aâm cuûa caùc ngaøi…

Secrète: …Répands ta grâce sur nos ancêtres, aïeux et parents, pour que nous puissions à notre tour hériter des bénédictions dues à leurs bonnes œuvres…

Lôøi tieàn tuïng : … Khi ngaãm xem muoân loaøi trong vuõ truï, töï nhieân chuùng con thaáy vaïn söï ñeàu coù coäi reã caên nguyeân : chim coù toå, nöôùc coù nguoàn, con ngöôøi sinh ra coù cha coù meï. Nhöng phaûi nhôø ôn Cha maëc khaûi, chuùng con môùi nhaän bieát Cha laø nguyeân lyù saùng taïo muoân loaïi, laø Cha chung cuûa taát caû chuùng con. Cha ñaõ ban söï soáng cho toå tieân vaø oâng baø cha meï chuùng con, ñeå caùc ngaøi truyeàn laïi cho con chaùu. Cha cuõng ñaõ ban cho caùc ngaøi aân hueä dö ñaày, ñeå chuùng con ñöôïc thöøa höôûng maø nhaän bieát, toân thôø vaø phuïng söï Cha…

Préface: … En considérant toutes choses dans l’univers, nous voyons spontanément que tout être a son origine et son principe: les oiseaux ont leur nid, l’eau a sa source, l’être humain qui vient au monde a un père et une mère. Mais grâce à ta révélation, Père, nous reconnaissons que tu es le principe créateur de tout ce qui existe, et que tu es notre Père à tous. Tu as donné la vie à nos ancêtres, à nos aïeux et parents, afin qu’ils puissent nous la transmettre. Tu les as aussi comblés de bienfaits, afin que nous puissions en hériter, en te connaissant, en t’adorant et en te servant…

Il nous paraît évident que, dans ces prières tout comme dans la lettre de Clément XI, aucun effort n’est fait pour distinguer les ancêtres chrétiens – le christianisme est solidement implanté au Viêt-nam et en Chine depuis le 17e siècle – de ceux qui ne l’étaient pas. Et c’est bien ainsi, nous semble-t-il, que la mentalité vietnamienne envisage les ancêtres. Personne n’ignore qu’ils ont été des personnes faibles et pécheresses comme nous, mais au-delà de leur mort, il est exclu de porter un jugement quel qu’il soit; cela fausserait l’harmonie de la relation avec eux, constitutive de notre être.

Ces textes liturgiques vietnamiens rendent-ils justice aux normes édictées en 1994 par la Congrégation pour le Culte divin? La recognitio accordée par ce dicastère invite à répondre par l’affirmative. Il ne s’agit cependant, pour l’heure, que d’une mesure ad experimentum, et il est certain que l’Instruction en question demande de procéder en la matière avec la plus grande prudence. Le passage que nous citons s’applique à l’initiation chrétienne, au mariage et aux funérailles, mais concerne indirectement notre propos:

La vérité du rite chrétien et l’expression de la foi peuvent être facilement amoindries aux yeux des fidèles. L’emprunt aux usages traditionnels doit s’accompagner d’une purification et, si c’est nécessaire, de ruptures. Il en va de même, par exemple, pour la christianisation de fêtes païennes ou de lieux sacrés, … [et] pour la vénération des ancêtres. Il importe, dans tous les cas, d’éviter toute ambiguïté…[91]

En mesurant le chemin parcouru depuis un demi-siècle dans le dialogue interculturel entre la tradition chrétienne latine et la tradition culturelle vietnamienne, en vue d’une réponse plus satisfaisante aux interrogations et aux préoccupations qui se sont fait jour depuis le 17e siècle, il faut se demander pourquoi un tel sentiment d’insatisfaction demeure chez les pasteurs légitimes de l’Église du Viêt-nam, qui ont voulu le manifester clairement à l’occasion de l’Assemblée spéciale du Synode des Évêques pour l’Asie.

Dans leur réponse aux lineamenta du Synode, la question du nouvel an est évoquée en passant comme un acquis positif, mais trop isolé et donc largement insuffisant.

Trong phuïng töï, vieäc hoäi nhaäp vaên hoaù tuy ñaõ coù vaøi saùng taùc (nhö caùc ngaøy Teát daân toäc, leã Trung Thu), nhöng cho ñeán nay môùi coøn ôû maët ngoaøi. ÔÛ ñoâi nôi, maët ngoaøi naøy laïi khoâng thích hôïp. … Soáng theo chieàu höôùng naøy, ngöôøi daïy ñaïo daàn daàn xa caùch lôùp ngöôøi hoïc ñaïo, vaø laøm cho nhöõng ngöôøi naøy coù caûm töôûng Ki-toâ giaùo chæ laø moät toân giaùo ngoaïi lai.

Dans le domaine de la liturgie, à part quelques compositions qui ont pu servir « ad experimentum » (les textes des messes pour les trois premiers jours de l’année lunaire, pour la fête des enfants à la mi-automne), les essais d’inculturation n’ont touché que l’enveloppe extérieure. … Ce style de vie et de liturgie augmente la distance entre les évangélisateurs et les évangélisés et renforce l’impression latente chez ces derniers que le christianisme est une religion d’importation.[92]

Ce point de vue est repris dans les diverses interventions au Synode lui même. On est en présence d’un problème de fond, qui interpelle l’ensemble de la vie ecclésiale, et qui ne peut être résolu en acceptant ou en refusant tel ou tel rite traditionnel, ou en faisant telle ou telle adaptation de gestes et de formules liturgiques. Nous citons ici quelques extraits des interventions, montrant à quel point la question des « rites chinois » marque en profondeur la réalité actuelle de l’Église du Viêt-nam, et appelant à une nouvelle étude globale de la question à partir de prémisses totalement différentes.

Nguôøi ta ñaõ rao giaûng giaùo lyù kitoâ maø khoâng quan taâm ñeán chieàu saâu toân giaùo cuûa taâm hoàn Vieät Nam. Taâm hoàn toân giaùo naày ñöôïc theå hieän trong nhöõng thaùi ñoä heát söùc cuï theå cuûa loøng hieáu thaûo; loøng hieáu thaûo naày ñöôïc khai trieån döôùi hình thöùc vieäc toân kính Toå Tieân vaø ñöôïc bieåu loä trong moät neàn luaân lyù gia ñình theo quan nieäm Khoång Töû. Caàn phaûi thaáy roõ raèng khoâng coù chuùt maâu thuaån naøo veà vaán ñeà naày, treân bình dieän giaùo lyù, giöõa tö töôûng Vieät Nam vaø kitoâ giaùo. Nhöng nhöõng thöïc haønh veà vieäc toân kính Toå Tieân, ñaõ bò caùc nhaø Truyeàn Giaùo xeùt nhö laø khoâng thích hôïp vaø deã daøng höôùng ngöôøi ta ñeán vieäc meâ tín dò ñoan. Nhö theá, nhöõng cöû chæ thuoäc nghi thöùc töôûng nieäm OÂng Baø ñaõ qua ñôøi, bò caám ñoaùn khoâng cho nhöõng ai trôû laïi ñaïo Kitoâ xöû duïng nöõa. Nhöõng haäu quaû cuûa moät vieäc caám ñoaùn nhö vaäy laø heát söùc bi thaûm; nhöõng ngöôøi kitoâ bò nhöõng keû ñoàng höông cuûa mình xem nhö laø nhöõng keû voâ ñaïo. Nhöõng ngöôøi kitoâ naày bò gia ñình hoï ruoàng boû, vaø bò xem nhö laø nhöõng ngöôøi xa laï. Toaøn theå ñaát nöôùc, moät ñaát nöôùc xem loøng thaûo hieáu nhö laø neàn taûng cuûa söï hieäp nhaát xaõ hoäi vaø neàn taûng cuûa neàn vaên minh, thì khoâng nhìn nhaän hoï nhö laø nhöõng coâng daân toát vaø chaân thaønh, vaø ñi ñeán vieäc baùch haïi hoï nöõa.

On a prêché la doctrine chrétienne sans se rendre compte que l’âme vietnamienne était profondément religieuse. Cette âme religieuse s’extériorise dans des attitudes très concrètes de piété filiale, qui se développent sous la forme du culte des Ancêtres et s’expriment dans la morale familiale de Confucius. Il faut bien voir qu’il n’y a aucune contradiction, du point de vue doctrinal, entre la pensée vietnamienne à ce sujet et le christianisme. Mais les pratiques courantes du culte des ancêtres ont été jugées par les missionnaires impropres, et susceptibles de verser dans la superstition. Aussi les gestes rituels immémoriaux ont-ils été interdits aux personnes qui se convertissaient au christianisme. La conséquence d’une telle interdiction fut dramatique: les chrétiens furent tout de suite considérés par leurs compatriotes comme des impies. Ils furent rejetés par leur famille et considérés comme des étrangers. Le pays tout entier, pour qui cette piété filiale représente le fondement même de la cohésion sociale et de la civilisation, leur refusa la qualité de citoyens, puis en vint à les persécuter.[93]

… Chaúng haïn nhö khi coù leã kyû nieäm ngaøy qua ñôøi cuûa toå tieân, thì taát caû moïi thaønh phaàn cuûa gia ñình hôïp nhau laïi ñeå laøm vieäc phuïng thôø toå tieân. Nhöng neáu coù nhöõng thaønh phaàn gia ñình laø ngöôøi coâng giaùo, thì nhöõng thaønh phaàn coâng giaùo naày ñöôïc mieãn. Vaø chính vì theá, maø nhöõng ngöôøi coâng giaùo bò xem nhö laø nhöõng ngöôøi con baát hieáu, vaø ñaïo coâng giaùo bò xem nhö laø toân giaùo ngoaïi quoác; ñaây laø moät trôû ngaïi thaät cho coâng vieäc rao giaûng Phuùc AÂm.

… Par exemple, lors des célébrations [familiales] anniversaires de la mort des ascendants, tous les membres de la famille se réunissent pour accomplir les rites du culte des ancêtres. Si la famille compte des membres catholiques, ils sont dispensés de participer. Mais pour cette raison justement, les catholiques sont considérés comme des gens dépourvus de piété filiale, et le christianisme comme une religion étrangère. C’est là un réel obstacle à l’évangélisation…[94]

Trong quaù khöù, chaéc haún ngöôøi ta ñaõ thöôøng ñaùnh giaù thaáp, taïi ñaát nöôùc chuùng toâi, … söï trung thöïc vaø giaù trò cuûa kinh nghieäm toân giaùo cuûa ña soá nhöõng anh chò em ñoàng höông. Haäu quaû laø nhieàu coäng ñoaøn Kitoâ taïi AÙ Chaâu soáng beân leà nhöõng xaõ hoäi vaø beân leà nhöõng neàn vaên minh, trong ñoù nhöõng coäng ñoaøn Kitoâ naày ñöôïc môøi goïi laøm chöùng cho nhöõng giaù trò Phuùc AÂm. … Chuùng toâi, nhöõng giaùm muïc Vieät Nam, chuùng toâi xaùc tín raèng thaät khoâng theå naøo loaïi boû moät caùch tieân thieân ngay töø ñaàu nhöõng nieàm tin [daân gian] treân, duôùi danh nghóa ñoù laø nhöõng ñieàu meâ tín. Ñoái vôùi nhöõng ai thöïc haønh nhöõng nieàm tin naày, thì ñaây laø con ñöôøng cuï theå vaø haèng ngaøy giuùp hoï ñeán gaàn hôn moät chuùt Maàu Nhieäm OÂng Trôøi, maàu nhieäm bao phuû vaø xaâm nhaäp vaøo taát caû moïi söï. … Toùm laïi, ñieàu voâ ích laø vieäc ñi tìm giöõa chuùng ta nhöõng lôøi noùi vaø cöû haønh leã nghi coù söùc thuyeát phuïc hay laøm cho nhöõng ngöôøi ñoàng höông chuùng ta trôû laïi, hoaëc chôø ñôïi ngöôøi ta soi saùng hoï cho chuùng ta. Theo chuùng toâi nghó, coù leõ seõ laø ñieàu nguy haïi, vieäc ñaët ra laïi nhöõng tranh caûi traàm troïng maø lòch söû ñeå laïi cho chuùng ta. Ñieàu caàn thieát, laø ñi tìm nôi nhöõng keû coù nieàm tin thuoäc veà nhöõng toân giaùo khaùc vaø ñi tìm nôi chính chuùng ta, ñi tìm nhöõng daáu chæ cuûa söï hieän dieän vaø cuûa taùc ñoäng cuûa Thieân Chuùa, roài chieâm ngaém chuùng vaø ñeå cho chính mình ñöôïc thaám nhaäp vaøo ñoù.

Dans le passé, il est certain qu’on a sous-estimé, chez nous, l’authenticité et la valeur de l’expérience reli­gieuse vécue par l’immense majorité de nos compatriotes. La conséquence, c’est que bien des communautés chrétiennes d’Asie vivent en marge des sociétés et des civilisations où elles devraient témoigner des valeurs évangéliques. … Nous, évêques du Viêt-nam, sommes persuadés qu’il est impossible de disqualifier purement et simplement ces croyances [populaires] sous le nom de superstitions. Pour ceux qui les pratiquent, elles sont un chemin concret et quotidien permettant de s’approcher un peu du mystère du Ciel – ce mystère qui enveloppe et pénètre toute chose. … En somme, il est inutile de chercher entre nous les paroles et le cérémonial qui convaincront ou convertiront nos compatriotes, ou, pis encore, d’attendre que d’autres nous les indiquent. Il serait même nuisible, nous semble-t-il, de remettre en avant les pénibles querelles héritées de l’histoire. Ce qui est indispensable, c’est de rechercher, chez les croyants d’autres religions et chez nous-mêmes, les signes de la présence et de l’action de Dieu, de les contempler, de nous en laisser imprégner.[95]

Si nous comprenons bien le sens de ces interventions, pour réussir l’inculturation de la foi au Viêt-nam ou, si l’on préfère, pour permettre une rencontre fructueuse des cultures chrétienne et vietnamienne, on ne peut se satisfaire d’introduire quelques adaptations dans les rites liturgiques reçus, et moins encore de tolérer une assistance passive des fidèles à l’un ou l’autre rituel non chrétien. Ce qui est nécessaire est d’un tout autre ordre. La vénération des ancêtres, aujourd’hui plus encore qu’hier, est une réalité essentiellement familiale. Comment les chrétiens peuvent-ils vivre dans une famille vietnamienne de manière à en être membres à part entière et à mettre en valeur, conformément à leur foi, la relation à l’au-delà qui s’y exprime et qui la constitue?[96] Comment les familles chrétiennes peuvent-elles être des familles pleinement vietnamiennes?

Nous avons dit que le droit écrit en vigueur n’aborde pas vraiment ces questions, qui sont les plus centrales, et qui pour les pasteurs concernés demandent des solutions urgentes. Mais les ouvertures existent dans le droit, notamment si l’on met le can. 218[97] en lien avec l’enseignement du concile et les encouragements puissants du magistère ordinaire[98]. Le lourd contentieux historique qui continue à peser sur la vie ecclésiale en Asie orientale, et l’insistance de la loi actuelle sur la prudence, expliquent beaucoup d’hésitations sur la marche à suivre. Malgré cela, le temps ne semble pas venu pour rédiger une nouvelle loi-cadre abordant de front les questions soulevées ici. La vie et l’expérience des communautés chrétiennes précèdent nécessairement le développement du droit. L’initiative est dans le camp des pasteurs, comme ceux-ci le reconnaissent volontiers.

Chuùng toâi mong öôùc coù moät söï coäng taùc caøng ngaøy caøng chaët cheõ hôn vaø tích cöïc hôn giöõa caùc thaønh phaàn khaùc nhau cuûa Giaùo Hoäi, ñaëc bieät laø giöõa nhöõng vò chuû chaên vaø nhöõng thaàn hoïc gia, ñeå giuùp nhau trong suy tö vaø trong vieäc laøm cuï theå cuûa coâng cuoäc rao giaûng phuùc aâm cho ñaïi luïc AÙ Chaâu roäng meâng mong.

Nous souhaitons [dans ce domaine] une collaboration toujours plus étroite et plus active entre toutes les composantes de l’Église, et notamment entre les pasteurs et les théologiens: tous doivent s’entraider dans la réflexion et dans le travail concret de proclamation de l’Évangile dans l’immense continent asiatique.[99]

Mais les circonstances extérieures contraignantes dans lesquelles se déroule la vie ecclésiale au Viêt-nam donnent peu d’espace aux nouvelles initiatives, et ne sont pas favorables à une saine gestion des tensions qui ne manqueront pas de surgir.[100] En outre, la collaboration avec les évêques de Chine, qui est incontournable pour assurer la communion ecclésiale sur des bases plus larges que celle d’un État-nation et qui a été demandée par Vatican II, ne peut pas actuellement trouver une expression adéquate. Autrement dit, la question des « rites chinois » est une question à suivre.

 

 


 


[1]     La « querelle des rites » concerne le monde indianisé et le monde sinisé. Dans ces lignes, nous nous bornerons volontairement à ce qui concerne le second, et donc aux « rites chinois ».

Pour un traitement classique de la question, voir entre autres: – J. Brucker, « Chinois (Rites) », in A. Vacant, E. Mangenot et É. Amann, Dictionnaire de Théologie Catholique, vol. 2/2, Paris: Letouzey et Ané, 1932, col. 2364-2391; – H. Bernard-Maître, « Chinois (Rites) », in A. Baudrillart, A. De Meyer et É. Van Cauwenbergh, Dictionnaire d’Histoire et de Géographie Ecclésiastiques, t. 12, Paris: Letouzey et Ané, 1953, col. 731-741; – E. Jarry, « La querelle des rites », in S. Delacroix (dir.), Histoire universelle des missions catholiques, vol. 2, Paris: Grund, [1957], p. 337-352; – J. Rommerskirchen, « Riti, Questione dei — », in Enciclopedia Cattolica, Cité du Vatican, 1963, vol. 10, col. 995-1005. – L’ouvrage de G. Minamiki, The Chinese rites controversy: from its beginning to modern times (Chicago: Loyola University Press, 1985), est utile particulièrement pour suivre l’évolution de la question, à travers les textes, entre 1742 et 1941, ainsi que pour le point de vue japonais.

La question s’est posée d’une nouvelle manière à la suite des décrets du Concile Vatican II, et de nouvelles pistes de recherche se sont fait jour progressivement. Voir, entre autres – F. Margiotti, « La questione dei riti cinesi, tentativi di adattamento » in Evangelizzazione e culture: Atti del congresso internazionale scientifico di missiologia (Roma, 5-12 Ottobre 1975), Rome: Urbaniana University Press, 1976, vol. 2, p. 269-296; K. Schatz, « Inkulturation und Kontextualität in der Missions­geschichte am Beispiel des Ritenstreits », in M. Pankoke-schenk et G. Evers (ed.), Inkulturation und Kontextualität. Theologien im weltweitem Austausch, Francfort/Main: Josef Knecht, 1994, p. 17-36; et surtout le symposium international organisé en octobre 1992 à San Francisco, sous l’égide de l’Institut Ricci, sur le thème: « Signification de la controverse des rites chinois dans le cadre de l’histoire des relations entre la Chine et l’Occident. » Deux ouvrages ont été publiés à cette occasion: le premier est un instrument de travail indispensable pour une approche canonique: – 100 Roman documents concerning the Chinese rites controversy (1645-1941), ed. par R.R. Noll, San Francisco: Ricci Institute for Chinese-Western Cultural History, 1992. Le second contient les actes du symposium: – The Chinese rites controversy: its history and meaning, ed. par D.E. Mungello, Nettetal: Steyler Verlag, [1994].

[2]     S. Congregatio de Propaganda Fide, « Instructio circa quasdam caeremonias et iuramentum super Ritibus Sinensibus », in Acta Apostolicae Sedis [= AAS] 32, 1940, p. 24-26; traduction française in Documentation Catholique (= DC) 41, 1940, col. 182-183. On pourra se reporter au commentaire officieux « La signification de cette instruction », signé F.P., repris à l’Osservatore Romano du 18-19 décembre 1939, in DC 41, 1940, col. 183-185: « L’instruction du 8 décembre [1939] clôt une période historique, qui a eu son expression la plus décisive dans la Constitution Ex quo singulari (11 juillet 1742) de Benoît XIV, et en ouvre une nouvelle » (col. 184).

[3]     La civilisation chinoise, au sens large du terme où nous l’entendons ici, exerce traditionnellement son influence sur la Chine, le Japon, la Corée et le Viêt-nam.

[4]     L’obligation du serment remonte à la constitution apostolique Ex illa die de Clément XI du 19 mars 1715. Ce texte est reproduit intégralement, avec plusieurs autres, dans la bulle Ex quo singulari de Benoît XIV (11 juillet 1742); texte latin in Sanctissimi Domini nostri Benedicti papæ XIV bullarium, t. 1, Malines: P.-J. Hanicq, 1826, p. 388-422. La formule prescrite du serment se trouve p. 405-406 (Clément XI) et 420-421 (Benoît XIV).

      Voici le texte du serment prêté en 1769 par un prêtre vietnamien et conservé aux Archives secrètes du Vatican, Collection Missioni, n° 110. Nous le reproduisons ici dans la mesure où il s’écarte en plusieurs endroits de celui qui est prescrit dans la bulle Ex quo singulari. Texte original en vietnamien (orthographe partiellement modernisée par nos soins) et en latin (notre traduction):

« Nhaân danh Cha vaø Con vaø Phiritoâ Sancto [Thaùnh thaàn]. Amen. Toâi laø Baûo Loäc Trinh saceâdoteâ [linh muïc] An Nam, ñòa phaän beân Taây. Toâi cöù pheùp Toaø Thaùnh ñaõ ban maø phaùn daïy veà nhöõng leã pheùp Ñaïi Minh [Trung Hoa] trong Bulla [saéc leänh] Cleâmeânteâ Pha pha [Giaùo Hoaøng] thöù möôøi moät ñaõ ra veà söï aáy cuøng mlôøi theà naøy ñaõ truyeàn trong Bulla aáy, thì toâi ñaõ ñoïc heát, vaø bieát toû töôøng maø toâi thaät thaø seõ vaâng heát loøng cuøng seõ cöù mlôøi aáy. Cho kó cho bloïn chaúng daùm sai mlôøi gì cuøng chaúng daùm laáy chöôùc moác naøo cho khoûi vaâng maø toâi seõ laøm heát söùc cho nhöõng boån ñaïo phaûi thuoäc veà toâi phaàn linh hoàn caùch naøo thì vaâng cöù mlôøi daïy aáy, cuõng nhö theå aáy nöõa. Sau nöõa toâi seõ laøm heát söùc maø chaúng coù bao giôø daùm chòu cho nhöõng boån ñaïo aáy giöõ nhöõng leã pheùp Ñaïi Minh, ñaáng phatriaca Alesanreâneâ [Giaùo tröôûng hieäu toaø Alexandria] ñaõ tha trong thö chung ngöôøi ñaõ laøm ôû thaønh Macao [AÙo Moân] ngaày moàng boán thaùng Novembiri [th. 11] naêm 1721, nhaân vì Ñöùc Thaùnh Pha pha Veân toâ [ÑTC Beântoâ] thöù möôøi boán ñaõ caám. Maø toâi xin Thieân Chuùa phuø hoä cho toâi khoûi söï naøy. Hoaëc toâi coù sai mlôøi aáy caùch naøo, heã laàn naøo toâi sai, thì toâi cam chòu cuøng xöng thaät ñaõ maéc phaûi nhöõng vaï ñaõ ñoaùn phaït trong hai Bulla aáy, vaäy toâi ñaù ñeán saùch Thaùnh Evan [Phuùc AÂm] maø toâi höùa toâi khaán cuøng theà giöõ nhö vaäy. Ñöùc Chuùa Blôøi cuøng Thaùnh Evan phuø hoä cho toâi nhö vaäy. Toâi laø Baûo Loäc Trinh Sacedoteâ chính tay toâi kí. » — « Praesens Juramentum circa Constitu­tio­nem Ex quo aø R.D. [Paulo] Trinh Sacer­dote Tun­ki­nensi praestitum excepi. Datum in [.....] Die 12 mensis septembris anni 1769. Bertrandus Epuõs G[abalen.] vicarius Apos­tolicus Tunkini Occidentalis. »

« Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen. Moi Paul Trinh, prêtre vietnamien du vicariat [du Tonkin] Occidental, observe la discipline que le Saint-Siège a édictée et ordonnée concernant les rites chinois, dans la bulle du Pape Clément XI publiée à ce sujet, et prête serment selon la formule spécifiée dans cette même bulle. L’ayant lue entièrement et comprise clairement, [je jure] en toute vérité que j’y obéirai de tout cœur et garderai les prescriptions édictées. En tout temps et pour toujours, je n’oserai contrevenir à aucune de ces dispositions, ni n’oserai invoquer aucun prétexte pour échapper à cette obéissance; de plus, je ferai tout mon possible pour que les fidèles dont j’ai la charge spirituelle obéissent en tout et gardent ces instructions, ainsi que toutes ces dispositions. En outre, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir, et jamais ne tolérerai ni ne permettrai aux fidèles d’observer les rites chinois que le Patriarche d’Alexandrie avait déclarés tolérés dans sa lettre pastorale écrite de Macao le 4 novembre 1721, du fait que Sa Sainteté le Pape Benoît XIV les a interdits. Je demande à Dieu de m’accorder son assistance pour que je ne tombe pas [dans ces abus]. Mais si je manquais de quelque manière que ce soit à ces dispositions, chaque fois que je tomberais dans cette erreur, je reconnais que je me rendrais coupable, et confesse en vérité que je tomberais sous le coup des peines édictées dans ces deux bulles. Ainsi, je mets la main sur le Saint Évangile, je jure, fais vœu et serment de garder tout cela. Que Dieu et le Saint Évangile m’aident à l’accomplir. Moi Paul Trinh, prêtre, signe de ma propre main. »

« Nous avons reçu le présent serment concernant la Constitution “Ex quo”, prêté par M. Trinh, prêtre tonkinois. Fait le 12 septembre 1769. Bertrand [Reydelet], évêque de Gabale, Vicaire apostolique du Tonkin Occidental. »

[5]     Cette interdiction remonte à un décret de l’Inquisition romaine, signé par Clément XI le 25 septembre 1710 et cité in extenso par la bulle de Benoît XIV Ex quo singulari (11 juillet 1742); ce dernier texte resta intégralement en vigueur jusqu’aux décisions dont il est question ici. Les dérogations étaient réservées à la personne du pontife romain, après examen par la S.C. de l’Inquisition (cf. J. Brucker, DTC vol. 2/2, col. 2380).

À notre connaissance, l’interdiction a été rigoureusement appliquée au moins jusqu’en 1929. L’ouvrage d’histoire des missions de L. Lemmens, Geschichte der Franziskanermission (Münster: Aschendorff, 1929), paru dans la collection des Missionswissenschaftliche Abhandlungen und Texte dirigée par le prestigieux missiologue Dr. J. Schmidlin, a dû en effet être relié et mis en vente en omettant tout un cahier déjà imprimé (p. 135-144). Un avis au lecteur encarté à cet endroit indique que cette omission fait suite à la demande expresse de la S. Congrégation pour la Propagation de la Foi, en application de cette interdiction.

[6]     L’abandon de serment est justifié, en outre, par les modifications déjà apportées aux interdictions précédemment en vigueur. L’instruction se conclut par la phrase suivante: « Firmis manentibus ceteris praescriptis Summi Pontificis Benedicti XIV, quatenus recentioribus Instructionibus non sint immutata, praeprimis prohibitione super ritibus sinensibus disputandi » – « Sont maintenues les autres prescriptions du pape Benoît XIV dans la mesure où les récentes instructions ne les ont pas modifiées, et surtout l’interdiction de débattre sur les rites chinois » (notre traduction).

[7]     D.E. Mungello, dans son introduction au symposium de San Francisco, a donné un aperçu critique des publications récentes traitant des aspects historiques de la querelle des rites chinois (The Chinese rites controversy, p. 3-14). Il souligne le fait que ces ouvrages prennent souvent des positions plus ou moins partisanes vis-à-vis des arguments avancés au 17e siècle et de leurs auteurs.

[8]     Concile Vatican II, Décret « Ad Gentes » sur l’activité missionnaire, n° 22. Notre traduction.

[9]     Les interventions individuelles des pères du Synode pour l’Asie n’ont pas fait l’objet d’une publication officielle. Les résumés parus dans l’édition quotidienne de l’Osservatore Romano sont insuffisants pour notre propos. Nous disposons cependant de la traduction vietnamienne de toutes les interventions des évêques du Viêt-nam présents au Synode; cette traduction a en effet été publiée en format électronique sur l’Internet par Radio Veritas Asie.

      La question de l’adaptation de la vie chrétienne et des signes chrétiens à la culture et aux traditions locales a notamment été traitée ex professo dans les interventions suivantes:

         S. Exc. Paul Nguyeãn Vaên Hoaø, évêque de Nha Trang, en date du 21 avril 1998 (troisième partie, concernant les questions posées par la missiologie dans le contexte asiatique – phaàn III, veà nhöõng vaán ñeà truyeàn giaùo hoïc trong boái caûnh AÙ chaâu);

         S. Exc. Étienne Nguyeãn Nhö Theå, archevêque de Hueá, en date du 24 avril 1998 (« L’incultura­tion dans le contexte du culte des ancêtres et de l’évangélisation au Viêt-nam » – « Vieäc hoäi nhaäp vaên hoùa trong boái caûnh toân kính toå tieân vaø rao giaûng phuùc aâÂm taïi Vieät Nam »);

         S. Exc. Barthélémy Nguyeãn Sôn Laâm, évêque de Thanh Hoá et secrétaire de la Conférence épiscopale, en date du 24 avril 1998 (« L’inculturation » – « Vieäc hoäi nhaäp vaên hoaù »);

         Cardinal Paul-Joseph Phaïm Ñình Tuïng, archevêque de Haø Noäi et président de la Conférence épiscopale, en date du 28 avril 1998 (« Les caractéristiques de l’évangélisation en Asie » – « Nhöõng öu tieân cuûa coâng vieäc rao giaûng Phuùc AÂm taïi AÙ Chaâu »).

[10]    Jean-Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Africa (14 septembre 1995) n° 62, citant le rapport du Synode. Ce qui est dit ici pour l’Afrique vaut tout autant pour l’Asie.

[11]    L’Église catholique compterait environ 8 000 000 de fidèles au Viêt-nam, soit plus de 10% de la population totale (Agence Fides de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, dépêche du 19 mars 1999 ; d’autres estimations tournent cependant autour de 5 millions). Les estimations pour la République Populaire de Chine vont de 3,3 millions (chiffre officiel cité par J. Charbonnier [ed.], Guide to the Catholic Church in China, Singapour, 1998) à 10 millions (site Internet de l’agence Zenit [Rome], mai 1998), mais les hypothèses conservatrices sont à privilégier jusqu’à preuve du contraire; en tout état de cause, la proportion est inférieure à 1%. Les autres territoires chinois totalisent 560 000 catholiques, Macao ayant la plus forte proportion, soit 5,34%. La Corée compte 3 400 000 catholiques (7,5 % de la population du Sud, 4,5% de la population totale); et le Japon 440 000, soit 0,35 % (site Internet de la Conférence épiscopale du Japon, mars 1999). Sauf indication contraire, ces chiffres sont empruntés à l’Annuaire statistique de l’Église, Cité du Vatican: Libreria Editrice Vaticana, 1995.

[12]    « §1 Haud licitum est fidelibus quovis modo active assistere seu partem habere in sacris acatholi­corum. §2 Tolerari potest praesentia passiva seu mere materialis, civilis officii vel honoris causa, ob gravem rationem ab episcopo in casu dubii probandam, in acatholicorum funeribus, nuptiis similibus­que solemniis, dummodo perversionis et scandali periculum absit. » Notre traduction.

[13]    Voici le commentaire fourni par l’édition la plus récente – à notre connaissance – du Code de 1917: Código de derecho canónico y legislación complementaria, texte latin, traduction espagnole, jurisprudence et commentaires, ed. par L. Miguélez Domínguez, S. Alonso Morán et M. Cabreros de Anta, Madrid: Biblioteca de Autores Cristianos, 1980: « La asistencia pasiva o material (§ 2) consiste en acudir a dichas solemnidades o actos de culto, pero sólo con el cuerpo, de forma que por la actitud aparezca de una manera clara que ninguna parte se toma en ellos. Esta se tolera a quienes por razón de oficio civil, v.g., el alcalde, la policía, los criados, se ven en la precisión de asistir; o por motivo de tributar un honor, por ejemplo, los parientes del que se casa para asistir a su boda, o los del difunto para ir al funeral; pero siempre se requiere causa grave y además que se evite el peligro de perversión para los que asisten y el de escándalo para los demás. »

Notre traduction: « L’assistance passive ou matérielle (§2) consiste à être présent aux dites cérémonies ou actes de culte, mais de manière purement physique : l’attitude extérieure doit laisser clairement apparaître que l’intéressé n’y prend aucunement part. Cette assistance est tolérée de la part de ceux qui, en vertu de leur charge civile – par ex. le maire, la police, les serviteurs –, se voient dans l’obligation d’être présents ; ou encore en vue de rendre ses devoirs à quelqu’un – par ex., la parenté de la personne qui se marie pourra assister ainsi aux noces, celle du défunt pourra aller aux funérailles. Mais dans tous les cas il faut une cause grave et, en outre, il faut éviter le danger d’entraîner les personnes présentes à mal agir, et de scandaliser les autres. »

[14]    Paul III, Constitution apostolique Altitudo divini consilii datée du 1er juin 1537: « … Novellas planta­tiones ipsius Ecclesiae, quas in dicta occidentali et meridionali India Altissimus plantare dignatus est, sic donec coalescant, ut non omnia, quae per orbem Ecclesia iam firmata custodit, illis custodienda mandemus, sed tamquam parvulis in Christo, aliqua paterno affectu indulgeamus confovere. » Ce document est cité en note par Collectanea S.C. de Propaganda Fide, Rome: Typographia Propaganda, 1907, vol. I, p. 30-31. Notre traduction.

[15]    En remontant plus loin dans les règles édictées par les pontifes romains, on trouve les directives données par S. Grégoire le Grand dans le contexte de l’évangélisation des Angles de Grande-Bretagne. Grégoire donne des indications libérales concernant l’adaptation des rites religieux non chrétiens, et laisse à son envoyé Augustin une marge d’appréciation; mais il pose par ailleurs le principe qu’il s’agit de tolérances à caractère transitoire. Cf. sa lettre à l’abbé Mellite (Epistola lxxvi ad Mellitum abbatem), du 17 juin 601: « … Quia boves solent in sacrificio daemonum multos occidere, debet his etiam hac de re aliqua solemnitas immutari, ut die dedicationis vel natalitiis sanctorum martyrum, quorum illic reliquiae ponuntur, tabernacula sibi circa easdem ecclesias quae ex fanis commutatae sunt, de ramis arborum faciant, et religiosis conviviis solemnitatem celebrent. Nec diabolo jam animalia immolent, sed ad laudem Dei in esum suum animalia occidant, et donatori omnium de satietate sua gratias referant, ut dum eis aliqua exterius gaudia reservantur, ad interiora gaudia consentire facilius valeant. Nam duris mentibus simul omnia abscidere impossibile esse non dubium est, quia is qui locum summum ascendere nititur necesse est ut gradibus vel passibus, non autem saltibus elevetur. […] Quatenus, cor mutantes, aliud de sacrificio amitterent, aliud retinerent, ut etsi ipsa essent animalia quae offerre consueverant, verumtamen Deo haec et non idolis immolantes, jam sacrificia ipsa non essent. Haec igitur dilectionem tuam praedicto fratri necesse est dicere, ut ipse, in praesenti illic positus, perpendat qualiter omnia debeat dispensare. »

« Comme ils avaient l’habitude de sacrifier un grand nombre de bœufs aux démons, [Augustin] devra adapter pour eux, dans ce cas aussi, quelques coutumes des jours de fêtes: ainsi le jour de la dédicace, ou aux fêtes des saints martyrs dont on dépose là les reliques, que l’on dresse des huttes de branchages autour de ces églises qui sont des temples [païens] transformés, et que l’on célèbre la fête par des banquets religieux. Et que ce ne soit plus pour les démons qu’ils immolent les animaux, mais qu’ils les tuent à la louange à Dieu pour les manger; et qu’en s’en repaissant ils rendent grâce à celui qui est l’auteur de tous les dons; ainsi, en ayant à l’extérieur quelques motifs de joie, ils pourront plus facilement adhérer aux joies intérieures. Il est en effet impossible, sans nul doute, pour des êtres à la mentalité fruste de renoncer à tout d’un seul coup, car celui qui veut atteindre les sommets doit s’élever par degrés, ou pas à pas, et non pas par bonds. […] De cette façon, par une transformation du cœur, ils perdront certains aspects du sacrifice et en retiendront d’autres, de sorte que, bien qu’il s’agisse des mêmes animaux qu’ils avaient coutume d’offrir, ils les immoleront en vérité pour Dieu et non pour les idoles, et la nature même des sacrifices ne sera plus identique. Il faudra donc, [fils] bien aimé, que tu exposes ces choses au frère susnommé [Augustin]; étant personnellement sur les lieux, il pourra réfléchir à la manière de mettre tout cela en pratique. »

Texte latin de la Patrologia latina de J.-P. Migne (vol. 77, col. 1215-1216) publiée comme base de données sur l’Internet par la société Chadwyck-Healey, 1996. Notre traduction.

[16]    « Quaeritur, utrum attenta istius gentis fragilitate, tolerari possit pro nunc, quod tales gubernatores christiani… » S.C. de Propaganda Fide, Votum sur la Chine daté du 12 septembre 1645, in Collecta­nea S.C. de Propaganda Fide, vol. I, p. 30-35: point 7° (voir dans le même sens: 2°, 6°, 10°, 11°).

[17]    « … Ut [evangelici operarii] selectum Divini Verbi semen a noxiis superstitionis aeribus publica confessione separare valeant, utque simus unanimes veritatis testes, et assertores… » Décret du légat pontifical plénipotentiaire, Cardinal Charles Thomas Maillard de Tournon, daté du 25 janvier 1707. Manuscrit de la Bibliothèque de Pékin reproduit en fac-similé dans F.A. Rouleau, « Chinese rites contoversy », in New Catholic Encyclopedia, vol. 3, [Washington D.C.: Catholic University of America], réimpr. 1981, p. 614. Notre traduction.

[18]    Clément XI, lettre à João V, roi du Portugal, sur la question des rites chinois, datée du 4 janvier 1716. Texte original in Iuris pontificii de Propaganda Fide pars II (Rome: S.C. de Propaganda Fide, 1909), n° 52. Notre traduction d’après 100 Roman documents concerning the Chinese rites controversy (1645-1941), ed. par R.R. Noll, San Francisco: Ricci Institute for Chinese-Western Cultural History, 1992, p. 42.

[19]    Autres transcriptions: Cam-Hi, K’ang Hi, Kang Xi. Dynastie Qing (Ch’ing), dates de règne: 1662-1722.

[20]    Clément XI, Lettre à l’empereur de Tartarie et de Chine accréditant Carlo Ambrogio Mezzabarba, Patriarche d’Alexandrie, en qualité de légat et visiteur pontifical, datée du 30 septembre 1719. Texte original in Iuris pontificii de Propaganda Fide pars II, n° 59. Notre traduction d’après 100 Roman documents, p. 45.

[21]    « Ex quo singulari providentia factum est, ut Orientalium et Occidentalium Indiarum Regiones Europae innotescerent, Apostolica Sancta Sedes, quae ab ipsis Ecclesiae incunabulis Evangelicae veritatis lumen ubique diffundere, et illud ab omni erroris umbra servare maximo studio curavit, in his quoque novissimis temporibus Evangelicos Operarios in antedictas Regiones sedulo misit; ut Idolatria ibi late dominante funditus eradicata, Christianae Fidei semen opportune spargerent, atque horrentes illos, et incultos campos in fertile[s] florescentesque vineas, uberrimos aeternae vitae fructus daturas, commutarent. Ex regionibus autem illis, quas Sancta Sedes prae caeteris ante oculos habuit, fuit profecto amplissimum Sinarum Imperium… » Sanctissimi Domini nostri Benedicti papæ XIV bullarium, t. 1, p. 388.

      On peut noter avec intérêt que, tout juste un mois plus tard, Benoît XIV s’est de même préoccupé d’éradiquer dans la région de Naples les coutumes païennes, provenant des antiques lupercales romaines, qui survivaient sous couvert de fêtes chrétiennes: Lettre aux évêques des provinces Maritime et de Campanie sur les spectacles immodestes (12 août 1742), ibid. p. 423-426. Il nous semble vraisemblable que le pontife ait fait le rapprochement entre coutumes chinoises et napolitaines, jugées dans les deux cas indignes de l’honneur chrétien.

      Pour les relations de Benoît XIV avec les missions étrangères, voir J. Metzler, « Benedetto XIV e Propaganda Fide », in M. Cecchelli (dir.), Benedetto XIV (Prospero Lambertini): Convegno inter­nazionale di studi storici, [Cento (Ferrara, Italie):] Centro Studi “Girolamo Baruffaldi”, 1981, vol. 1, p. 697-713.

[22]    Un exemple de rejet sans nuances se trouve dans le rescrit de la S.C. du Saint-Office au Vicaire apostolique du Xichuan (Sze Chwan, Chine), daté du 10 avril 1777, condamnant en toute circonstances les prostrations traditionnelles devant les ancêtres: « Elles sont intrinsèquement illicites et superstitieuses. Elles ne sont pas mauvaises parce qu’elles sont condamnées [par Clément XI et Benoît XIV]; elles sont condamnées parce qu’elles sont mauvaises. » Texte in Collectanea S.C. de Propaganda Fide (éd. 1893), n° 1770, non repris dans l’éd. de 1907. Notre traduction d’après 100 Roman documents, p. 67.

Un exemple d’a priori négatif et de grande réticence dans la tolérance est fourni par une lettre de la S.C. pour la Propagation de la Foi à un supérieur religieux non identifié, datée du 13 septembre 1760, désavouant la pratique d’encourager les chrétiens chinois à utiliser pour la vénération des ancêtres un modèle de tablettes conformes aux exigences de l’orthodoxie. Le dicastère précise: « Les conditions exigées pour la tolérance [vis-à-vis des tablettes] est: que dans la fabrication des tablettes l’on omette tout ce qui a un relent de superstition, et que les non chrétiens ne soient pas induits à penser que les chrétiens conservent ces tablettes avec la même intention qu’eux-mêmes. Ces conditions démontrent combien plus les missionnaires concernés auraient été dans le droit chemin s’ils avaient eu la volonté d’abolir complètement les tablettes. » Texte ibid., n° 1768. Notre traduction d’après 100 Roman documents, p. 64.

[23]    Nous fondons notre jugement sur le corpus de rescrits et décisions du Saint-Siège tel qu’il est établi dans l’ouvrage cité, 100 Roman documents concerning the Chinese rites controversy, pour les années 1744 à 1889, p. 62-82.

      Concernant une vue globalement négative sur les us et coutumes des peuples à évangéliser, on pourra se référer par exemple à l’encyclique de Léon XIII sur la Pieuse association de la Propagation de la Foi, Sancta Dei civitas, datée du 3 décembre 1880, n° 10: « … Ceux qui sont appelés de l’abjection du vice et de l’ombre de la mort; et qui, lorsqu’ils deviennent cohéritiers de la vie éternelle, sont également appelés de la barbarie et de la sauvagerie des mœurs à la plénitude de la vie civilisée [“ab agresti cultu ferisque moribus ad omnem civilis vitae humanitatem”] … » Texte latin in Sanctissimi Domini nostri Leonis Papae XIII allocutiones, epistolae, constitutiones…, t. 1, Bruges / Lille: Desclée, De Brouwer et Cie, 1887, p. 171-177, et in Acta Sanctae Sedis 13, 1894, p. 241-248. Notre traduction.

      Note: Pour les encycliques nous nous sommes servi, sauf indication contraire, des textes disponibles en anglais sur différents sites de l’Internet. Comme il ne s’agit pas de textes législatifs proprement dits, nous avons jugé que le recours systématique au texte latin original n’était pas indispensable.

[24]    Voir les tables de concordances publiées avec le Code.

[25]    Le terme latin « acatholici » utilisé par le canon 1258/1917 se réfère dans le Code de 1917 aussi bien aux non baptisés qu’aux baptisés qui ne sont pas en pleine communion avec l’Église catholique; cf. J. García Martín, L’azione missionaria della Chiesa nella legislazione cattolica, Rome: Ediurcla, 1993, p. 34 note 10. Ce canon est d’ailleurs cité textuellement en référence aux cérémonies païennes par l’instruction Plane compertum de 1939. Dans les travaux de préparation du nouveau code, cependant, c’est le point de vue œcuménique qui a d’emblée pris toute la place: voir par ex. Communicationes 5, 1973, p. 43-44.

      Peut-être pourrait-on à la rigueur voir une allusion à la participation des catholiques à des cérémonies non chrétiennes dans la remarque de la Commission pontificale pour la révision du Code, notée dans Communicationes 12, 1980, p. 371, à propos du projet de canon qui deviendra le can. 844: « … Quoad alias quaestiones… melius videtur ut Codex sileat, ut normae dentur a S. Sede secundum circum­stantias temporum… » Notre traduction: « Quant aux autres questions… il semble préférable que le Code les passe sous silence, pour que les normes appropriées soient données par le Saint-Siège selon les circonstances… » Mais dans tout le contexte, il ne s’agit que des relations des catholiques avec les « frères séparés ».

[26]    La conférence eut lieu à Hsinking, le 12 mars 1935. Cf. lettre de Mgr A. Gaspais à Propaganda Fide du 25 mars 1935, publiée in Periodica de Re Morali, Canonica, Liturgica (Rome) 26, 1937, p. 87-95; texte français in DC 41, 1940, col. 176-179. Dans ce texte, le terme « tolérer » est utilisé 14 fois, « être licite » 8 fois, « permettre » et « interdire » 1 fois chacun.

Le Manchukuo (Mandchourie) est un État éphémère, de stricte culture chinoise, qui fit sécession de la Chine, en 1932, à l’occasion de l’invasion japonaise.

[27]    Texte latin in Sylloge praecipuorum documentorum recentium Summorum Pontificum et S. Congrega­tionis de Propaganda Fide, necnon aliarum congregationum romanarum, ad usum missionariorum, [Cité du Vatican:] Polyglotte Vaticane, 1939, p. 479-480 (en annexe sont reprises intégralement, sous le titre de Normae Sinkingenses, les normes proposées par les évêques du Manchukuo: ibid., p. 480-482). Traduction française du rescrit in DC 41, 1940, col. 179.

[28]    Instruction Pluries instanterque de la S.C. pour la Propagation de la Foi sur les devoirs des catholiques envers la patrie, adressée au Cardinal Paolo Marella, délégué apostolique au Japon, le 26 mai 1936. Texte latin in AAS 28, 1936, p. 406-409. Traduction française in DC 41, 1940, col. 179-182.

[29]    « Agitur de illis actibus, qui, quamvis ab ethnicis religionibus primitus orti, non sunt intrinsece mali, sed per se indifferentes, neque iubentur ut religionis signa, sed tantum veluti civiles actus ad pietatem manifestandam et fovendam erga patriam, omni intentione remota compellendi sive Catholicos sive non Catholicos ad significandam quamlibet adhaesionem religionibus a quibus ritus illi orti sunt. » Notre traduction.

[30]    Dans l’ordre sont cités: les experts mandatés par la S.C. pour la Propagation de la Foi, le Concile de Nagasaki de 1890, l’avis des délégués apostoliques E. Mooney et P. Marella, et celui des Ordinaires du Japon.

[31]    « Simili fere modo, actus qui iuxta patrios mores fieri solent quibusdam in eventibus, ut ex. gr. Occa­sione funerum vel matrimoniorum, quamvis et ipsi originem forte habuerint religiosam, adhibentur nunc temporis a plurimis in tota Iaponia absque ulla religiosa significatione, sed tantum ut urbana ratio manifestandi benevolentiam erga propinquos et amicos; ita ut amisisse videantar intrinsecam connexionem cum ethnicis religionibus et in meros civiles mores mutati esse. » Notre traduction.

[32]    « Nullum studium ponite, nullaque ratione suadete illis populis ut ritus suos, consuetudines et mores mutent, modo non sint apertissime religioni et bonis moribus contraria... Fides nullius gentis ritus et consuetudines, modo prava non sint, aut respuit aut laedit, im[m]o vero sarta tecta esse vult. Et quoniam ea paene est hominum natura, ut sua, et maxime ipsas suas nationes, caeteris et existimatione et amore praeferant, nulla odii et alienationis causa potentior existit, quam patriarum consuetudinum immutatio, earum maxime quibus homines ab omni patrum memoria assuevere... Quac vero prava exstiterint, nutibus magis et silentio quam verbis proscindenda, opportunitate nimirum captata, qua, dispositis animis ad veritatem capessendam, sensim sine sensu evellantur... » Notre traduction, reprise partiellement à J. Comby, Deux mille ans d’évangélisation, Tournai: Desclée, 1992, p. 168. Pour les Instructions aux vicaires apostoliques de 1659, nous suivons l’édition critique du texte latin établie par H. Chappoulie in Rome et les missions d’Indochine au XVIIe siècle, vol I, Paris: Bloud et Gay, 1943, p. 392-402 (extrait cité ci-dessus: p. 400).

Concernant les Instructions, voir en outre B. Jacqueline, « Les instructions de la S.C. “de propaganda fide” aux vicaires apostoliques des royaumes du Tonkin et de Cochinchine (1659) », in Nouvelle Revue Historique de Droit Français et Étranger, 48, 1970, p. 624-631; M. Marcocchi, Colonialismo, cristianesimo e culture extraeuropee, La istruzione di Propaganda Fide ai vicari apostolici dell'Asia orientale 1659, Milan: Jaca / Brescia: Morcelliana, 1981.

[33]    « Nunquam usus illarum gentium cum usibus Europaeorum conferte, imo vero vos illis magna diligentia assuescite. Admiremini et laudate ea quae laudem merentur. » Traduction reprise à J. Comby, loc. cit.

[34]    Le commentaire officieux de l’Osservatore Romano, cité plus haut, précise en effet: « L’instruction ne juge pas, et encore moins désavoue-t-elle le passé: elle constate seulement quelles sont actuellement les conditions de fait en Chine et elle en déduit les conséquences légitimes. » (DC 41, 1940, col. 185).

[35]    Dès son accession au trône pontifical, Pie XII fit savoir qu’il entendait suivre son prédécesseur dans cette voie. Dans sa première encyclique, Summi Pontificatus du 20 octobre 1939, il écrivait : « Une recherche persévérante a été entreprise, et menée à bien à travers des études assidues des missionnaires de tous les âges, pour favoriser une vision plus profonde des diverses civilisations et pour mettre en lumière leurs meilleures qualités; on devait ainsi rendre plus fructueuse la prédication de l’Évangile du Christ. Tout ce qui, dans les coutumes autochtones, n’est pas inséparablement lié à la superstition et à l’erreur doit toujours être soumis à un examen bienveillant et, si possible, sera gardé intact. » (n° 45). Notre traduction. Une traduction française de l’encyclique est parue in DC 36, 1939, col. 1251-1275 (voir col. 1260-1261).

Le texte cité est repris intégralement dans l’encyclique de Pie XII sur la promotion des missions, Evangelii Praecones du 2 juin 1951, n° 54. Traduction française in DC 48, 1951, col. 769-790 (voir col. 786-787).

[36]    « Un’arte che sia nello stesso tempo profondamente cattolica e caratteristicamente nazionale dimostrerà in modo sensibile, e perciò più efficace, che la Chiesa non s’identifica e non è legata a nessuna particolare forma di cultura, ma accoglie, per santificarlo, tutto ciò che ogni popolo ha di buono e di bello. E nello stesso tempo contribuirà a una più rigogliosa fioritura cristiana tra i cattolici giapponesi, poiché li educherà a incanalare verso la vita spirituale le integre energie di tutta la loro anima, con le sue speciali doti di intelligenza e di sensibilità. » Notre traduction. Texte italien original in Sylloge praecipuorum documentorum recentium…, p. 483.

[37]    « Absolute evitanda est compositio elenchi caeremionarum permissarum vel prohibitarum, ne oriatur periculum reincidendi in discussiones casuisticas, quae sub alia forma renasci facerent querelas anticas. Quando necessitas postulet, Ordinarii dare possunt regulas et normas generales; respectu tamen habito ad hoc, quod in tempore versamur transitorio, ne nimis descendant ad specificationes singulas et relinquant etiam sacerdotibus et bonis christianis laicis, in casis particularibus, se dirigere secundum conscientiam. » Lettre de la Propaganda Fide à Mgr Zanin, Délégué apostolique en Chine, datée du 28 février 1941. Texte latin in H. Bernard-Maître, art. « Chinois (Rites) », Dictionnaire d’Histoire et de Géographie Ecclésiastiques, t. 12, col. 740. Notre traduction.

[38]    Le pape Pie XII fut confronté à la crise ecclésiale provoquée par l’accès au pouvoir du parti communiste chinois. Ces circonstances très douloureuses pour les missions en Chine lui permirent à nouveau de préciser sa pensée; à cause du contentieux historique, il est important que cette réflexion se soit faite à propos de la Chine. Il faut citer d’abord la lettre apostolique Cupimus imprimis du 18 janvier 1952: « Depuis les temps les plus reculés le peuple chinois a occupé une place éminente parmi les autres peuples d’Asie à travers ses réalisations, sa littérature et la splendeur de sa civilisation. Quand il fut illuminé par la lumière de l’Évangile qui surpasse grandement la sagesse de ce monde, il a tiré [de cet héritage] des qualités d’âme encore plus excellentes, à savoir les vertus chrétiennes qui perfectionnent et renforcent les vertus naturelles. » Texte dans AAS 44, 1952, p. 153-158. Notre traduction.

      Trois ans plus tard, dans son encyclique sur le caractère supranational de l’Église adressée à l’épiscopat, au clergé et aux fidèles de Chine Ad Sinarum gentem (7 octobre 1954), le même pontife poursuit: « Nous ne nions pas que la façon de prêcher et d’enseigner doit être différente selon les lieux, et qu’elle doit donc, si possible, se conformer à la nature et au caractère particuliers du peuple chinois, de même qu’à ses coutumes anciennes traditionnelles. Si cela est fait correctement, la moisson donnera certainement des fruits plus abondants parmi vous. Mais de quel droit – et c’est une absurdité de penser ainsi – des hommes peuvent-ils interpréter l’Évangile de Jésus Christ de façon arbitraire, différemment dans les différentes nations? » (n° 16-17). Notre traduction. Une traduction française est parue in DC 52, 1955, col. 5-12 (passage cité: col. 9).

[39]    Voir la « Déclaration de la Conférence épiscopale du Viêt-nam sur la vénération des ancêtres et des héros de la patrie. » Texte vietnamien in Sacerdos (Saigon) 43, 1965, p. 489-492. Notre traduction (italiques d’après l’original). Une traduction française complète a été publiée in DC 63, 1966, col. 467-470.

« Ngaøy 20-10-1964, Toaø thaùnh, qua Boä Truyeàn-giaùo, ñaõ chaáp thuaän ñeà nghò cuûa Haøng Giaùm muïc Vieät-nam xin aùp duïng Huaán-thò Plane compertum est (8-12-1939), veà vieäc toân kính Toå-tieân vaø caùc baäc Anh-huøng lieät só, cho giaùo daân Vieät-nam. Ñeå hieåu roõ tinh thaàn Giaùo-hoäi trong vieäc chaáp thuaän naøy, vaø ñeå coù nhöõng chæ thò höôùng daãn trong khi aùp duïng, Hoäi ñoàng Giaùm-muïc muoán neâu leân maáy ñieåm sau ñaây: »

« Le 20 octobre 1964, par l’intermédiaire de la Sacrée Congrégation pour la Propagation de la Foi, le Saint-Siège a accédé à la requête de l’épiscopat vietnamien demandant que les fidèles vietnamiens puissent bénéficier du décret Plane compertum est (8 décembre 1939) concernant la vénération des ancêtres et des héros de la patrie. Afin que l’on comprenne clairement dans quel esprit l’Église accorde cette autorisation, et pour fournir les directives et orientations voulues pour sa mise en pratique, la Conférence épiscopale a voulu rendre publics les points suivants… »

[Suivent des citations non textuelles de Pie XII, Allocution au Sacré-Collège du 20 février 1946 (cf. DC 43, 1946, col. 172); encyclique Evangelii præcones du 2 juin 1951 (n° 56-58: cf. DC 48, 1951, col. 786-787); Jean XXIII, encyclique Princeps pastorum du 28 novembre 1959 (n° 19: cf. DC 56, 1959, col. 1544); Paul VI, encyclique Ecclesiam suam du 6 août 1964 (n° 107-108: cf. DC 61, 1964, col. 1090); Concile Vatican II, Déclaration Nostra Ætate sur l’Église et les religions non chrétiennes (n° 2, cf. DC 62, 1965, col. 1827)]

« Chính laäp tröôøng ñoù cuûa Giaùo hoäi ñöôïc ñuùc keát trong tö töôûng cuûa caùc Ñöùc Giaùo Hoaøng vaø trong ñeä nhò Coâng ñoàng Vatican, ñaõ giaûi thích lyù do cuûa quyeát ñònh Toaø thaùnh, khi cho aùp duïng Huaán thò Plane compertum est taïi Vieät Nam ngaøy nay. Vaø cuõng chieáu theo tinh thaàn ñoù, caùc Giaùm muïc Hoäi nghò taïi Ñaølaït trong nhöõng ngaøy 13, 14-6-1965 ñaõ cho coâng boá baûn Thoâng caùo naøy. […]

1. Nhieàu haønh vi cöû chæ xöa kia, taïi Vieät Nam, coù tính caùch toân giaùo, nhöng nay vì söï tieáp xuùc vôùi beân ngoaøi vaø vì taâm tình, taäp quaùn, ñaõ thay ñoåi nhieàu, neân chæ coøn laø nhöõng phöông caùch bieåu loä hieáu thaûo toân kính ñoái vôùi Toå-tieân vaø caùc baäc Anh-huøng lieät só. Nhöõng cöû chæ, thaùi ñoä, nghi leã, coù tính caùch theá tuïc, lòch söû, vaø xaõ giao ñoù, Giaùo hoäi Coâng giaùo chaúng nhöõng khoâng ngaên caám maø coøn mong muoán vaø khuyeán khích cho noù ñöôïc dieãn taû baèng caùc cöû chæ rieâng bieät cuûa moãi nöôùc, moãi xöù, vaø tuøy theo tröôøng hôïp. Vì theá, nhöõng cöû chæ, thaùi ñoä vaø nghi leã töï noù hoaëc do hoaøn caûnh, coù moät yù nghóa theá tuïc roõ raøng, laø ñeå toû tinh thaàn aùi quoác, loøng hieáu thaûo, toân kính, hoaëc töôûng nieäm Toå tieân vaø caùc baäc Anh huøng lieät só (nhö treo aûnh, hình, döïng töôïng, nghieâng mình baùi kính, tröng hoa ñeøn, toå chöùc ngaøy kî, gioã…) thì ñöôïc thi haønh vaø tham döï caùch chuû-ñoäng.

2. Traùi laïi, vì coù nghóa vuï baûo veä cho Ñöùc tin Coâng giaùo ñöôïc tinh tuyeàn, Giaùo hoäi khoâng theå chaáp nhaän cho ngöôøi giaùo höõu coù nhöõng haønh vi cöû chæ, hoaëc töï noù, hoaëc do hoaøn caûnh, coù tính caùch toân giaùo traùi vôùi giaùo lyù mình daäy. Vì theá, caùc vieäc laøm coù tính caùch toân giaùo khoâng phuø hôïp vôùi giaùo lyù Coâng giaùo (nhö baát cöù leã nghi naøo bieåu loä loøng tuøng phuïc vaø söï leä thuoäc cuûa mình ñoái vôùi moät thuï taïo nhö laø ñoái vôùi Thieân Chuùa), hay nhöõng vieäc dò ñoan roõ reät (nhö ñoát vaøng maõ), hoaëc cöû haønh ôû nhöõng nôi daønh rieâng cho vieäc teá töï... thì giaùo höõu khoâng ñöôïc thi haønh vaø tham döï. Trong tröôøng hôïp baát ñaéc dó, chæ ñöôïc hieän dieän moät caùch thuï ñoäng, nhö ñaõ aán ñònh trong Giaùo luaät, khoaûn 1258.

3. Ñoái vôùi nhöõng vieäc maø khoâng roõ laø theá tuïc hay toân giaùo, thì phaûi döïa theo nguyeân taéc naøy, laø neáu nhöõng haønh vi ñoù, theo dö luaän daân chuùng ñòa phöông khoâng coi nhö söï tuyeân xöng tín ngöôõng cuûa moät toân giaùo (ngoaøi Kytoâ giaùo), maø chæ bieåu loä moät taâm tình töï nhieân, thì ñöôïc coi nhö khoâng traùi vôùi Ñöùc tin Coâng giaùo, neân ñöôïc thi haønh vaø tham döï. Trong tröôøng hôïp chöa heát nghi nan, thì coù theå haønh ñoäng theo tieáng löông taâm luùc aáy: neáu caàn, thì phaûi giaûi thích chuû yù cuûa mình moät caùch kheùo leùo, hôïp caûnh, hôïp thôøi. Söï tham döï cuõng chæ ñöôïc coù tính caùch thuï-ñoäng.

Ñoù laø nhöõng nguyeân-taéc chung, giaùo höõu caàn phaûi döïa vaøo maø xeùt ñoaùn theo löông taâm vaø hoaøn caûnh. Trong tröôøng hôïp hoà-nghi, moïi ngöôøi lieân heä khoâng ñöôïc theo yù rieâng mình, maø seõ phaùn ñoaùn theo chæ thò cuûa Toaø thaùnh vaø baøn hoûi vôùi caùc Giaùo só thaønh thaïo. Yeâu caàu quùy Cha phoå bieán roäng raõi vaø giaûi thích töôøng taän Thoâng caùo naøy khoâng nhöõng trong caùc nhaø thôø maø caû moãi khi coù dòp, khoâng nhöõng cho anh em giaùo-höõu maø caû cho ngöôøi ngoaøi Coâng giaùo. Caùc Vò phuï-traùch Coâng-giaùo tieán-haønh cuõng phaûi laáy Thoâng-caùo naøy laøm ñeà-taøi hoïc-taäp cho caùc Hoäi-ñoaøn trong caùc buoåi hoïp vaø caùc khoaù Huaán-luyeän. Laøm taïi Ñaølaït, ngaøy 14, thaùng 6, naêm 1965. »

« Ces positions de l’Église, synthétisées dans la pensée des papes et dans le 2e Concile du Vatican, expliquent à elles seules le motif de la décision du Saint-Siège autorisant à appliquer aujourd’hui au Viêt-nam le décret Plane compertum est. Et c’est dans le même esprit que les évêques du Viêt-nam, réunis en session à Dalat les 13 et 14 juin 1965, ont rendu publique la présente déclaration. […]

1. Un certain nombre d’actes et de gestes avaient autrefois, au Viêt-nam, un caractère religieux; mais aujourd’hui, à cause des contacts avec l’étranger et des grandes mutations subies par la mentalité et les coutumes, ce ne sont plus que des manières d’exprimer la piété filiale et la vénération des ancêtres et des héros de la patrie. Ces gestes, attitudes et rites ayant un caractère séculier, historique et de civilité, non seulement l’Église catholique ne les interdit pas, mais elle souhaite et encourage leur concrétisation à travers les gestes propres à chaque pays et à chaque région, et adaptés aux circonstances. Pour ce motif, les gestes, attitudes et rites qui ont, par nature ou de par le contexte, une signification clairement séculière, visant à exprimer le patriotisme, la piété filiale, la vénération ou la mémoire fervente envers les ancêtres et les héros de la patrie (par exemple suspendre des tableaux ou photographies, ériger des statues, s’incliner respectueusement, allumer des lumignons, organiser les journées commémoratives ou anniversaires du décès…), peuvent être accomplis, et on peut y participer activement.

2. Au contraire, du fait qu’elle a l’obligation de protéger l’intégrité de la foi catholique, l’Église ne peut accepter que les fidèles fassent des actions et gestes qui, par nature ou de par le contexte, ont un caractère religieux contraire à la doctrine qu’elle enseigne. En conséquence, les actes à caractère religieux incompatibles avec la doctrine catholique (par exemple tout rite manifestant envers une créature la soumission et la sujétion que l’on doit réserver à Dieu), ou les actions manifestement superstitieuses (comme brûler des papiers votifs), ou encore les célébrations ayant lieu dans des lieux réservés au culte [non chrétien]…, les fidèles ne peuvent ni les accomplir ni y participer. Dans des cas où l’on y est contraint contre son gré, il faut se limiter à une présence passive, comme cela est déterminé par le droit canonique, can. 1258.

3. Concernant ce dont la nature séculière ou religieuse n’est pas claire, il faut s’appuyer sur le principe suivant: si, dans l’opinion commune des gens du lieu, ces actes ne sont pas considérés comme exprimant les croyances d’une religion (non chrétienne) mais comme manifestant seulement des sentiments naturels, ils ne sont pas à considérer comme contraires à la foi catholique, de sorte que l’on peut les accomplir et y participer. Dans les cas où le doute persiste, chacun peut agir selon ce que sa conscience dicte sur le moment. Si nécessaire, il faut expliquer avec tact son intention, selon les circonstances de lieu et de temps. Quant à la participation, elle doit rester passive.

Voilà les principes généraux sur lesquels les fidèles doivent s’appuyer lorsqu’ils doivent se déterminer selon leur conscience et les circonstances. En cas de doute, les [prêtres] concernés ne doivent pas suivre chacun son idée personnelle, mais l’on jugera selon les directives du Saint-Siège et l’on se concertera avec des ecclésiastiques experts en la matière. Les prêtres voudront bien diffuser largement et expliquer à fond cette déclaration, non seulement dans leurs églises mais chaque fois que l’occasion de présentera, non seulement aux fidèles laïcs mais même aux non catholiques. Les responsables de l’Action catholique doivent prendre la présente déclaration comme sujet d’étude pour les membres de leurs groupes, dans les diverses réunions et sessions de formation. Fait à Dalat le 14 juin 1965. »

[40]    R. Naz, art. « Missions », in Dictionnaire de Droit Canonique, t. 6, Paris: Letouzey et Ané, 1957, col. 905.

[41]                Vatican II, Sacrosanctum Concilium n° 37: « [Ecclesia] variarum gentium populorumque animi ornamenta ac dotes colit et provehit; quidquid vero in populorum moribus indissolubili vinculo superstitionis erroribusque non adstipulatur, benevole perpendit ac, si potest, sartum tectumque servat, immo quandoque in ipsam Liturgiam admittit… » Notre traduction.

[42]    Encyclique Evangelii praecones du 2 juin 1951, n° 58. DC 48, 1951, col. 787.

[43]    Ibid. n° 40 al. 1: « A competenti auctoritate ecclesiastica territoriali… sedulo et prudenter consideretur quid, hoc in negotio, ex traditionibus ingenioque singulorum populorum opportune in cultum divinum admitti possit. Adaptationes, quae utiles vel necessariae existimantur, Apostolicae Sedi proponantur, de ipsius consensu introducendae. » Notre traduction: « L’autorité ecclésiastique compétente pour le territoire considèrera avec zèle et prudence ce qui, parmi les traditions et dans le génie de chaque peuple peut, en l’occurrence, être opportunément admis dans le culte divin. Les adaptations qui seront jugées utiles et nécessaires seront présentées au Saint-Siège, et introduites sous réserve de son consentement. »

[44]    Vatican II, Lumen Gentium n° 17: « Opera autem sua [= Ecclesiae] efficit ut quidquid boni in corde menteque hominum vel in propriis ritibus et culturis populorum seminatum invenitur, non tantum non pereat, sed sanetur, elevetur et consummetur ad gloriam Dei, confusionem daemonis et beatitudinem hominis. » Notre traduction.

Dans le même sens, on pourra se référer à la Constution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps Gaudium et Spes, n° 58: « L’Église, envoyée à tous les peuples de tous les temps et de tons les lieux, n’est liée d’une manière exclusive et indissoluble à aucune race ou nation, à aucun genre de vie particulier, à aucune coutume ancienne ou récente. Constamment fidèle à sa propre tradition et tout à la fois consciente de l’universalité de sa mission, elle peut entrer en communion avec les diverses civilisations: d’où l’enrichissement qui en résulte pour elle-même et pour les différentes cultures. … Par les richesses d’en haut, elle [la Bonne Nouvelle du Christ] féconde comme de l’intérieur les qualités spirituelles et les dons propres à chaque peuple et à chaque âge, elle les fortifie, les parfait et les restaure dans le Christ. » Traduction empruntée à Documents conciliaires, Paris: Centurion, 1966.

[45]    Vatican II, Déclaration Nostra Ætate sur l’Église et les religions non chrétiennes, n° 2. Texte français in DC 62, 1965, col. 1825-1830; le passage cité est à la col. 1827.

[46]    Cf. Paul VI, Evangelii nuntiandi, n° 20: « … Le royaume que l’Évangile proclame est vécu par des personnes profondément attachées à une culture; l’édification du royaume ne peut donc pas éviter d’emprunter des éléments à la culture humaine et aux cultures. Bien qu’ils soient indépendants des cultures, l’Évangile et l’évangélisation … ont la capacité d’imprégner les cultures sans avoir à dépendre d’aucune d’elles. La séparation entre l’Évangile et la culture est certainement le drame de notre temps, comme cela l’a été en d’autres temps… » Notre traduction. Un texte français de l’encyclique est paru in DC 73, 1976, p. 1-22.

      Pour un plus ample traitement de la pensée de Paul VI en la matière, on pourra se reporter particulièrement à A. Marranzini, « Il magistero al servizio della inculturazione », in B. Genero (dir.), Inculturazione della fede: saggi interdisciplinari, Naples: Dehoniane, 1981, p. 129-173.

[47]    Paul VI, encyclique Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975), n° 62. Notre traduction.

[48]    Voir la « Déclaration des Évêques du Viêt-nam sur les rites de vénération des ancêtres. » Texte vietnamien in Sacerdos 156, 1974, p. 879-880. La Documentation Catholique n’a pas publié ce texte; nous donnons ci-dessous la traduction intégrale que nous avons établie.

      « Chuùng toâi, caùc Giaùm muïc chuû toïa Khoùa Hoäi thaûo VII veà Truyeàn Baù Phuùc AÂm toaøn quoác, taïi Nha Trang ngaøy 12-14 thaùng 11 naêm 1974, ñoàng chaáp nhaän cho phoå bieán vaø thi haønh toaøn quoác, nhöõng quyeát ñònh cuûa UÛy Ban Giaùm Muïc veà Truyeàn Baù Phuùc aâm ngaøy 19 thaùng 4 naêm 1972, chieáu theo Thö Chung cuûa Hoäi Ñoàng Giaùm Muïc Vieät Nam ngaøy 14-6-1965, veà caùc nghi leã toân kính OÂng Baø Toå Tieân, nhö sau:

      Ñeå ñoàng baøo löông daán deã daøng chaáp nhaän Tin Möøng, hoäi nghò nhaän ñònh: “Nhöõng cöû chæ, thaùi ñoä, leã nghi (sau ñaây) coù tính caùch theá tuïc, lòch söû, xaõ giao, ñeå toû loøng hieáu thaûo, toân kính vaø töôûng nieäm caùc Toå tieân vaø caùc baäc anh huøng lieät só; neân ñöôïc thi haønh vaø tham döï caùch chuû ñoäng”(Hoäi Ñoàng Giaùm Muïc 14-6-1965).

1. Baøn thôø Gia Tieân ñeå kính nhôù OÂng Baø Toå Tieân ñöôïc ñaët döôùi baøn thôø Chuùa trong gia ñình, mieãn laø treân baøn thôø aáy khoâng baøy bieän ñieàu gì meâ tín dò ñoan, nhö Hoàn baïch…

2. Vieäc ñoát nhang höông, ñeøn neán, treân baøn thôø gia tieân vaø vaùi laïy tröôùc baøn thôø, giöôøng thôø Toå Tieân, laø nhöõng cöû chæ thaùi ñoä hieáu thaûo toân kính, ñöôïc pheùp laøm.

3. Ngaøy gioã cuõng laø ngaøy “Kî nhaät” ñöôïc “cuùng gioã” trong gia ñình theo phong tuïc ñòa phöông, mieãn laø loaïi boû nhöõng gì laø dò ñoan meâ tín. Nhö ñoát vaøng maõ... vaø giaûm thieåu, canh caûi nhöõng leã vaät ñeå bieåu döông ñuùng yù nghóa thaønh kính bieát ôn OÂng Baø, nhö daâng hoa traùi, höông ñeøn.

4. Trong hoân leã, daâu reå ñöôïc laøm “Leã Toå, Leã Gia Tieân” tröôùc baøn thôø, giöôøng thôø Toå Tieân, vì ñoù laø nghi leã toû loøng bieát ôn, hieáu kính trình dieän vôùi OÂng Baø.

5. Trong tang leã, ñöôïc vaùi laïy tröôùc thi haøi ngöôøi quaù coá, ñoát höông vaùi theo phong tuïc ñòa phöông ñeå toû loøng cung kính ngöôøi ñaõ khuaát, cuõng nhö Giaùo Hoäi cho ñoát neán, xoâng höông, nghieâng mình tröôùc thi haøi ngöôøi quaù coá.

6. Ñöôïc tham ñöï nghi leã toân kính vò Thaønh Hoaøng, quen goïi laø “Phuùc Thaàn”, taïi ñình laøng, ñeå toû loøng cung kính bieát ôn nhöõng vò maø theo lòch söû ñaõ coù coâng vôùi daân toäc, hoaëc laø aân nhaân cuûa daân laøng, chöù khoâng phaûi vì meâ tín nhö ñoái vôùi caùc “yeâu thaàn, taø thaàn”.

Trong tröôøng hôïp thi haønh caùc vieäc treân ñaây sôï coù söï hieåu laàm, neân kheùo leùo giaûi thích qua nhöõng lôøi phaân öu, khích leä, thoâng caûm… Ñoái vôùi giaùo daân, caàn phaûi giaûi thích cho hieåu vieäc toân kính Toå Tieân vaø caùc vò anh huøng lieät só, theo phong tuïc ñòa phöông, laø moät nghóa vuï hieáu thaûo cuûa ñaïo laøm con chaùu, chöù khoâng phaûi laø nhöõng vieäc toân kính lieân quan ñeán tín ngöôõng, vì chính Chuùa cuõng truyeàn “Phaûi thaûo kính cha meï”, laø giôùi raên sau vieäc thôø phöôïng Thieân Chuùa.

Taïi Nha Trang, ngaøy 14 thaùng 11 naêm 1974 »

      « Nous, évêques présidents du 7e Colloque national sur l’Évangélisation en session à Nha Trang les 12-14 novembre 1974, permettons la publication et la mise en application dans l’ensemble du pays des décisions prises, en conformité avec la déclaration de la Conférence épiscopale du Viêt-nam du 14 juin 1965, par la Commission épiscopale pour l’Évangélisation en date du 19 avril 1972, concernant les rites de vénération des ancêtres, dont la teneur est la suivante:

Pour permettre à nos compatriotes non chrétiens de recevoir aisément la Bonne Nouvelle, le congrès a jugé bon ce qui suit: “Les gestes, attitudes et rites (suivants) ayant un caractère séculier, historique et de civilité, visant à exprimer la piété filiale, la vénération ou la mémoire fervente envers les ancêtres et les héros de la patrie, peuvent être accomplis, et on peut y participer activement” (Conférence épiscopale, 14 juin 1965).

1. Un autel des mânes familiaux destiné à la vénération des ancêtres peut être placé, au foyer familial, sous un autel dédié au Seigneur, pourvu que l’on n’y dispose pas des objets liés à la superstition ou à la magie, comme “l’Âme blanche”…

2. Le fait de brûler de l’encens et d’allumer des cierges sur l’autel des mânes familiaux, et de faire les prostrations mains jointes devant l’autel ou reposoir des ancêtres, équivaut à des gestes et attitudes de piété filiale et de vénération; par conséquent cela est permis.

3. Au jour commémoratif ou anniversaire [d’un défunt], la famille peut lui présenter les “offrandes du culte commémoratif” selon les coutumes locales, pourvu que l’on élimine ce qui est lié à la superstition ou à la magie, comme le fait de brûler des papiers votifs…; et que l’on réduise et réforme les offrandes afin de mettre en évidence leur véritable signification de respect et de reconnaissance envers les aïeux, par exemple en offrant fleurs, fruits, encens et lumignons.

4. Au cours de la cérémonie [familiale traditionnelle] du mariage, les époux peuvent accomplir la “cérémonie aux ancêtres ou cérémonie aux mânes familiaux” devant l’autel ou reposoir des ancêtres, du fait qu’il s’agit d’un rite exprimant la reconnaissance et la piété filiale respectueuse envers les aïeux devant qui ils se présentent.

5. Au cours de la cérémonie des funérailles, on peut faire les prostrations mains jointes devant la dépouille mortelle du défunt, ou brûler des bâtonnets d’encens entre ses mains jointes selon les coutumes locales, afin de signifier le respect pour le disparu, tout comme l’Église permet d’allumer des cierges, d’encenser et de s’incliner devant la dépouille mortelle des défunts.

6. Il est permis de participer aux cérémonies de vénération du “Seigneur du lieu”, que l’on appelle habituellement le “génie tutélaire”, dans la maison communale du village, afin de montrer respect et reconnaissance envers ceux que l’histoire [locale] désigne comme ayant acquis des mérites envers la population, ou comme bienfaiteurs des habitants du village; mais non pas à cause de croyances superstitieuses comme dans le cas des “esprits follets et génies malfaisants”.

Si en accomplissant les actes énumérés ci-dessus l’on craint un malentendu, il est nécessaire de s’expliquer avec tact lorsque l’on présente condoléances, félicitations, remerciements etc. Concernant les fidèles laïcs, il est nécessaire de leur expliquer que le sens de la vénération des ancêtres et héros de la patrie, selon les coutumes locales, est une obligation de la piété filiale qui fait partie des devoirs des enfants et descendants, et non pas une vénération liée aux croyances, du fait que le Seigneur lui même a enseigné “Tu honoreras ton père et ta mère” comme un commandement qui vient à la suite de celui d’adorer Dieu. 

Nha Trang, le 14 novembre 1974. » Suivent les signatures de sept évêques.

[49]    Voir « L’Évangélisation au Viêt-nam: lettre pastorale de la Conférence épiscopale adressée à tout le Peuple de Dieu au Viêt-nam, Épiphanie 1975. » Texte français établi par le Secrétariat de l’Épiscopat vietnamien, publié in DC 72, 1975, p. 431-436. Voici le passage pertinent:

« Il fut un temps où le culte des ancêtres était interdit aux catholiques du Viêt-nam, créant un grand obstacle à l’évangélisation et justifiant l’objection des adversaires: “Se faire catholique, c’est renier ses ancêtres.” Avec le temps et après l’élimination des vestiges de la superstition, la hiérarchie a officiellement reconnu les valeurs spirituelles du culte des ancêtres: croyance à la vie future, piété filiale, sens communautaire de la famille… Ces valeurs sont les mêmes que celles recommandées dans le 4e commandement et favorisent une prise de conscience plus nette de notre appartenance à la grande famille chrétienne dont Dieu est le Père et notre prochain nos frères. (Voir communiqué de la Commission épiscopale de l’évangélisation du 14 novembre 1974 après la réunion de Nha Trang) » (loc. cit., p. 433).

[50]    Can. 386 §2: « Integritatem et unitatem fidei credendae mediis, quae aptiora videantur, firmiter tueatur, iustam tamen libertatem agnoscens in veritatibus ulterius perscrutandis. » « Il défendra avec fermeté l’intégrité et l’unité de la foi par les moyens qui paraissent les mieux adaptés, en reconnaissant cependant une juste liberté en ce qui regarde les vérités qui demandent encore à être approfondies. »

      Can. 392 §1: « Ecclesiae universae unitatem cum tueri debeat, Episcopus disciplinam cunctae Ecclesiae communem promovere et ideo observantiam omnium legum ecclesiasticarum urgere tenetur. » « Parce qu’il doit défendre l’unité de l’Église tout entière, l’Évêque est tenu de promouvoir la discipline commune à toute l’Église et en conséquence il est tenu d’urger l’observation de toutes les lois ecclésiastiques. »

[51]    Cf. can. 838 §3, 839, 846 §1 concernant la liturgie proprement dite, et can. 1244, 1246 §2 concernant les temps sacrés.

[52]    Instruction Varietates legitimae: texte latin dans Notitiae 30, 1994, p. 80-115; texte français ibid., p. 116-151, et in DC 91, 1994, p. 435-446; voir notamment les n° 34-37, 54-60. On pourra également se reporter au « Commentarium » de l’instruction, paru en langue italienne dans le même numéro de Notitiae, p. 152-166.

[53]    L’article de F. Traàn Vaên Kha, « L’adaptation liturgique telle qu’elle a été réalisée par les commissions nationales liturgiques jusqu’à maintenant » (in Notitiae 25, 1989, p. 864-883), donne sur ce point, entre autres, l’exemple des livres liturgiques chinois où quelques gestes et attitudes corporelles au cours de l’Eucharistie ont été adaptés à la mentalité chinoise. L’auteur est un prêtre vietnamien attaché à la Congrégation romaine pour le Culte divin.

[54]    F. Traàn Vaên Kha, art. cit., ne mentionne qu’un unique cas d’adaptation « plus radicale » approuvé dans l’optique de Sacrosanctum Concilium n° 40: « L’approbation de l’Ordo Missae adapté pour les diocèses du Zaïre peut être considéré comme un exemple ou une occasion de réflexion pour d’autres pays en vue d’entreprendre une adaptation de ce genre, si une vraie nécessité le demande » (p. 871).

[55]    Cf. n° 65: « La commission nationale ou régionale de liturgie… aura soin de demander le concours de personnes compétentes, pour examiner les divers aspects des éléments de la culture locale et de leur éventuelle insertion dans les célébrations liturgiques. Il peut être opportun parfois de demander l’avis de représentants de religions non chrétiennes sur la valeur culturelle ou civile de tel ou tel élément. »

[56]    « Missionarii, vita ac verbi testimonio, dialogum sincerum cum non credentibus in Christum instituant, ut ipsis, ratione eorundem ingenio et culturae aptata, aperiantur viae quibus ad evangelicum nuntium cognoscendum adduci valeant. »

[57]    Le terme « adaptation », à propos de la rencontre entre la foi chrétienne et les cultures, est aujourd’hui fortement contesté, à la suite des interventions dans ce sens des évêques d’Afrique et d’Asie au Synode des Évêques de 1974; voir à ce sujet J. López Gay, « Pensiero attuale della Chiesa sull’incultu­razione », in Inculturazione: concetti, problemi, orientamenti, éd. 1979, p. 17-18, et la bibliographie citée en note. Le rejet de ce terme a certainement contribué à la popularité du terme « inculturation ». Il nous semble cependant que la notion d’adaptation reste juridiquement opérationnelle; l’utilisation que nous faisons de l’un et l’autre terme ne préjuge en rien de l’évolution ultérieure du droit.

[58]    Pour l’évolution de la pensée de Jean-Paul II en la matière jusqu’à la parution de Redemptoris missio, on pourra se reporter à F. George, Inculturation and Ecclesial communion: Culture and Church in the teaching of Pope John Paul II, Rome: Urbaniana University Press, 1990.

[59]    Le terme « inculturation » est apparu pour la première fois dans un document ecclésial dans le « Message du Synode des Évêques au Peuple de Dieu » publié à la fin de l’assemblée de 1977 sur la catéchèse (DC 74, 1977, p. 1016-1021). Voici le contexte (p. 1018): « Le message chrétien doit s’enraciner dans les cultures humaines, les assumer et les transformer. En ce sens, on peut parler de la catéchèse comme d’un facteur actif d’inculturation: elle fait s’épanouir et, en même temps, elle éclaire du dedans les modes de vie de ceux à qui elle s’adresse. C’est donc par la catéchèse que la foi chrétienne doit s’incarner dans les cultures. » Voir à ce sujet A. Roest Crollius, « Inculturazione della fede: la problematica attuale », in B. Genero [dir.], Inculturazione della fede: Saggi interdisciplinari, p. 13-32 (p. 18).

Sur la problématique avant cette date, on pourra se reporter entre autres aux actes du Congrès international scientifique de Missiologie qui s’est tenu à Rome du 5 au 12 octobre 1975: Evangelizzazione e culture, 3 vol., Rome: Pontificia Università Urbaniana, 1976 (notamment Y. Congar, « Christia­nisme comme foi et comme culture »: t. I, p. 83-103; A. Seumois, « Significato e limiti della ‘cristia­nizzazione’ delle culture »: t. I, p. 117-127).

Sur la notion d’inculturation telle qu’elle est utilisée par la missiologie récente voir, entre autres, P. Giglioni, « Inculturazione e missione », in J. López Gay, M. Zago, J. Esquerda Bifet et al., Chiesa locale e inculturazione della missione, Bologne: Editrice Missionaria Italiana / Rome: Urbaniana University Press, 1987, p. 76-130; F. George, « The process of inculturation: steps, rules, problems », in Kerygma (Ottawa) 22, 1988, p. 93-113; A. Peelman, L’inculturation, l’Église et les cultures, Paris: Desclée / Ottawa: Novalis, 1989; et l’ouvrage collectif de J. López Gay, A. Roest Crollius, J. Schasching et al., Inculturazione: concetti, problemi, orientamenti, Rome: Centrum Ignatianum Spiritualitatis, 1990 (1e édition parue en 1979).

Pour un point de vue autorisé du Saint-Siège, voir La foi et l’inculturation, document de la Commission Théologique Internationale: texte français officiel in DC 86, 1989, p. 281-289.

      On trouvera des définitions et une vue synthétique de la question, ainsi qu’une vaste bibliographie, chez L. Jolicœur, El cristianismo aymara: ¿Inculturación o culturización?, Cochabamba: Universi­dad Católica Boliviana / Quito: Abya-Yala, 1996, respectivement p. 202-243 et passim, et p. 411-456.

[60]    Jean-Paul II, Redemptoris missio, n° 52-53. Texte français diffusé par le site Internet officiel du Vatican, et in DC 88, 1991, p. 152-187.

[61]    Ibid. n° 54. Nous nous permettons de relever le passage sur l’équilibre: « On risque de passer sans analyse critique d’une sorte d’aliénation par rapport à la culture à une surévaluation de la culture… » Faut-il voir dans le terme « aliénation », présent sous la plume de Jean-Paul II, une évaluation négative par rapport aux manières de faire anciennes, une sorte de mea culpa pour les rites chinois?

[62]    Ibid.

[63]    Le Cardinal Josef Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a traité la question de l’inculturation du point de vue de son ministère dans une conférence donnée dans le cadre de la rencontre des présidents des conférences épiscopales d’Asie et de leurs commissions doctrinales (Hong Kong, 2-5 mars 1993), sous le titre: « Le Christ, la foi et le défi des cultures. » Il y explique pourquoi le terme « inculturation » devrait être abandonné au profit de « rencontre des cultures » ou « interculturalité »:

« … We should no longer speak of inculturation but of the meeting of cultures or “interculturality”, to coin a new phrase. For inculturation presumes that a faith stripped of culture is transplanted into a religiously indifferent culture whereby two subjects, formally unknown to each other, meet and fuse. But such a notion is first of all artificial and unrealistic, for with the exception of modern technological civilization, there is no such thing as faith devoid of culture or culture devoid of faith. It is above all difficult to envision how two organisms, foreign to each other, should all of a sudden become a viable whole in a transplantation which stunts both of them. Only if all cultures are potentially universal and open to each other can interculturality lead to flourishing new forms » (n° 1C). Texte diffusé sur l’Internet par The Catholic Resource Network / Trinity Communications, Manassas, VA (États-Unis).

Notre traduction: « L’inculturation présuppose qu’une foi, dépouillée de sa culture, est transplantée dans une culture religieusement indifférente, de sorte que deux sujets, précédemment inconnus l’un de l’autre, se rencontrent et fusionnent. Mais une telle notion est avant tout artificielle et irréaliste; en effet, mise à part la civilisation technologique moderne, il n’existe nulle part une foi dépourvue de culture ou une culture dépourvue de foi. Il est surtout difficile de saisir comment deux organismes étrangers l’un à l’autre pourraient soudainement devenir un tout viable par le moyen d’une transplantation qui lèse la croissance de l’un et de l’autre. Ce n’est que si toutes les cultures sont potentiellement universelles et ouvertes les unes aux autres que l’interculturalité amènera de nouvelles expressions florissantes. »

[64]    Nous entendons par là qu’il est nécessaire, et urgent, de lancer les recherches et les discussions qui permettront un jour de légiférer, de façon harmonieuse et concertée, pour tout l’espace géographique se réclamant de la mouvance de la culture chinoise. Il y a lieu d’appliquer ici, mutatis mutandis, le processus décrit par Jean-Paul II, dans la Constitution Sacrae disciplinae leges : « … Episcopi et Episcopatus invitati sunt ad sociam operam praestandam… ut per tam longum iter, ratione quantum fieri posset collegiali, paulatim formulae iuridicae maturescerent, quae, deinde, in usum universae Ecclesiae inservire deberent » (Alinéa 9). « …Les évêques et les épiscopats ont été appelés à s’atteler à l’œuvre commune. C’est à travers ce long processus, en suivant une méthode aussi collégiale que possible, que doivent mûrir les formulations juridiques qui serviront plus tard l’Église entière » (notre traduction, légèrement adaptée).

[65]    Texte original, partie italien, partie latin, in Collectanea S.C. de Propaganda Fide, vol. I, p. 52: « Costumandosi (nel Tonkino e nella Cocincina) di solennizzare i primi tre giorni dell’anno nuovo lunare, si domanda se si possa mangiar carne quando cadranno in venerdì o sabato, o nella Quaresima; e che in tali giorni si possa concedere indulgenza a chi visiterà la chiesa, farà limosina o altra opera pia. – R. Cum asserta solemnitas nihil habeat Ecclesiae, nec aliquod christianae fidei mysterium repraesentet, nullatenus expedire aut concedendum est. »

[66]    Nous nous inspirons ici entre autres de J. Nguyeãn Huy Lai, La tradition religieuse, spirituelle et sociale au Viêtnam, sa confrontation avec le christianisme, Paris: Beauchesne, 1981, p. 98-101, ainsi que de notre propre expérience du Viêt-nam.

[67]    La miséricorde (vietnamien « töø bi », chinois « tz’u pei / chi bei ») est un des concepts centraux du bouddhisme mahayana, alliant les notions de tendresse pour les êtres plus faibles et de compassion avec ceux qui souffrent. Aussi les Vietnamiens, quel que soit leur éloignement du bouddhisme, restent-ils attachés à la pagode pour des occasions comme celle-ci.

[68]    L’Empereur de Jade (« Ngoïc Hoaøng ») est une figure divine du taoïsme populaire. Le syncrétisme vietnamien ne voit pas de contradiction à rendre hommage simultanément, et dans un même temple, à des figures bouddhistes, taoïstes ou confucéennes.

[69]    J. Nguyeãn Huy Lai, op. cit., p. 100.

[70]    Cf. Collectanea S.C. de Propaganda Fide, vol. I, p. 31: « Et circa abstinentiam ab illis suscipiendam etiam statuimus, quod in Vigilia Nativitatis, et Resurrectionis Domini Nostri Iesu Christi, et omnibus sextis Feriis Quadragesimae ieiunare teneantur, ceteros vero ieiuniorum dies eorum beneplacito propter novam ad Fidem eorum conversionem, et ipsius gentis infirmitatem permittimus. Ita quod ieiunium repugnans sanitati, vel non bene quadrans officio vel exercitio alicuius non censeatur illi ab Ecclesia praeceptum. Eisque etiam concedimus, quod quadragesimalibus et aliis prohibitis anni temporibus lacticiniis, ovis, et carnibus tunc temporis dumtaxat vesci possint, cum ceteris christianis ob aliquod sanctum opus obeundum similibus cibis vesci posse a Sede Apostolica pro tempore fuerit concessum. »

Notre traduction: « Concernant l’abstinence qu’ils doivent accepter, Nous avons décidé qu’ils sont tenus de jeûner la veille de la Nativité et de la Résurrection de notre Seigneur Jésus Christ, et tous les vendredis de Carême; mais pour les autres jours de jeûne, nous les laissons à leur gré à cause de leur récente conversion et de la faiblesse de leur nation. Cela veut dire que le jeûne qui met la santé en danger, ou qui ne cadre pas bien avec la position sociale ou le travail d’une personne, doit être tenu comme ne lui étant pas commandé par l’Église. Nous leur concédons également qu’ils pourront manger des laitages, des œufs et de la viande pendant le Carême et autres temps prohibés de l’année, mais uniquement quand le Siège apostolique aura concédé aux autres chrétiens de consommer des aliments semblables dans le but d’entreprendre une œuvre sainte. »

Il ressort clairement du texte lui-même que la concession en faveur des autochtones d’Amérique avait des motivations, à la fois économiques et humanitaires, fort éloignées des préoccupations culturelles à l’origine de la demande vietnamienne. La bulle Sublimis Deus, dont la citation est extraite, fait suite aux demandes des Dominicains d’Amérique centrale apportées à Rome, en 1537, par Fr. Bernardino da Minaya (cf. M. Mahn-Lot, ed., Barthélémy de Las Casas: L’Évangile et la force, Paris: Cerf, [1964], p. 42). Bartolomé de Las Casas écrira en 1552, se référant à cette époque de la conquête espagnole de l’Amérique: « Ils prirent soin des Indiens en envoyant les hommes dans les mines pour en extraire de l’or, ce qui représente un travail insupportable. Et les femmes étaient obligées, dans les fermes, à labourer et à cultiver la terre, alors qu’il s’agissait d’un travail d’hommes rudes et très forts. Hommes et femmes n’avaient à manger que des herbes et des aliments peu nourrissants. Les femmes qui allaitaient voyaient leur lait se tarir […]. Les hommes à la mine, les femmes à la ferme moururent de faim et d’excès de travail: c’est ainsi que s’éteignirent des foules de gens de cette île… » (B. de Las Casas, Très brève relation sur la destruction des Indes, trad. de J. Garavito, Paris / La Haye: Mouton, [1974], p. 34-35).

[71]    Rescrit du Saint-Office au Vicaire apostolique du Fujian (Fu Kien, Chine) en date du 12 juillet 1770, in Collectanea S.C. de Propaganda Fide, vol. I, p. 302: « Cum sequenti anno secunda dies lunae primae sinensis incidat in diem Cinerum, ortum est dubium inter istos Patres missionarios, et ab ipsis interrogatus sum: An sinenses illo die teneantur ieiunare et a carnibus abstinere? Cum autem vident in kalendario perpetuo, facto et characteribus sinensibus impressioni mandato a missionariis antiquis, hanc notam: Quod si prima luna sinensis inciderit in Quadragesimam, non obligantur sinenses a carnibus abstinere, nec ieiunare ultima die ultimae lunae, et duobus primis diebus primae lunae. […] Pro sequentibus annis supplico ut S.C. dignetur respondere, an reprobandus et eradicandus sit talis consuetudo vel toleranda. […] R. Dentur decreta alias edita, et scribatur Vicariis Apostolicis utriusque Tunkini, necnon Vicario Apostolico Fokiensi, ut incumbant executioni eorumdem decretorum, et certiorem reddant S.C. an in eadem executione procuranda proficiant. Curent praeterea ut a kalendario deleatur nota quae in eo legitur, videlicet primis tribus diebus anni dispensatos esse christifideles a carnibus abstinere, si iidem dies in Quadragesimam incidant. »

      Notre traduction: « Come l’an prochain le deuxième jour du premier mois lunaire chinois tombe le jour des Cendres, un doute a surgi parmi ces missionnaires, qui m’ont interrogé à ce sujet: Est-ce que les Chinois sont tenus ce jour-là au jeûne et à l’abstinence de viande? En effet, ils voient dans le calendrier perpétuel confectionné et imprimé en caractères chinois par les missionnaires d’autrefois la note suivante: Si le premier mois lunaire tombe en Carême, les Chinois ne sont pas pas astreints à s’abstenir de viande ni à jeûner le dernier jour du dernier mois lunaire, et les deux premiers jours du premier mois lunaire. […] Pour les prochaines années, je supplie la Sacrée Congrégation de répondre, à savoir si cette coutume doit être réprouvée et déracinée, ou bien tolérée. […] – Réponse: Que l’on fournisse [au demandeur une copie des] décrets déjà publiés, et que l’on écrive aux vicaires apostoliques des deux vicariats du Tonkin et de celui du Fujian qu’ils doivent œuvrer à l’exécution de ces décrets, et rendre compte à la Sacrée Congrégation sur l’avancement de leur mise en application. Qu’ils veillent en outre à éliminer du calendrier la note qu’on y lit, à savoir que les fidèles sont dispensés de l’abstinence de viande les trois premiers jours de l’année lorsque ces jours tombent en Carême. »

[72]    Nous n’avons pas pu établir si cette manière d’agir, commune pour le territoire de la Conférence épiscopale, a été accordée une fois pour toutes par le Saint-Siège en vertu du can. 1244 §1, ou s’il s’agit d’actes ponctuels posés selon la norme du can. 1245. Il faut noter que ce type de décision concernant le Viêt-nam ne fait généralement pas l’objet d’une publication, étant donné les circonstances particulières dans lesquelles se déroule la vie ecclésiale dans ce pays.

[73]    Dans sa lettre déjà citée aux évêques de Campanie (1742), le pape Benoît XIV écrit: « Dies Festi non ad id instituti sunt, ut Christianus populus epulis, ebrietatibus, ludis, spectaculis, aliæque id genus licentiæ liberius vacet; sed ut Fideles in precibus, divinisque laudibus frequentes, et assidui sint, ut Ecclesiis intersint, Sacramenta ad animæ vulnerum curationem instituta adhibeant seduloque se exerceant in his operibus, quæ veram pietatem continent… » (Sanctissimi Domini nostri Benedicti papæ XIV bullarium, t. I, p. 424). Notre traduction: « Les jours de fête [chrétiens] n’ont pas été institués pour que le peuple chrétien s’adonne plus librement aux banquets, à l’ivresse, aux jeux, aux spectacles, ou autres licences de ce genre; mais pour que les fidèles soient constants et assidus dans les prières et les louanges divines, pour qu’ils visitent les églises, qu’ils mettent à profit les sacrements institués pour la guérison des blessures de l’âme, et pour qu’ils s’exercent sérieusement dans les œuvres qui contiennent la véritable piété… »

[74]    Jean-Paul II, Redemptoris missio, n° 24 et 28.

      Dans son document La foi et l’inculturation, déjà cité, la Commission Théologique Internationale illustre également l’inanité de l’entreprise classique consistant à rejeter, dans les us et coutumes non chrétiens, ce qui est de nature religieuse pour ne garder que ce qui est « purement civil »: « Étant donné la place majeure de la religion dans la culture, une Église locale ou particulière implantée dans un milieu socioculturel non chrétien doit tenir un compte très sérieux des éléments religieux de ce milieu. […] S’il est permis de prendre un continent comme exemple, nous parlerons de l’Asie, qui a vu naître plusieurs grands courants religieux du monde. L’hindouisme, le bouddhisme, l’islam, le confucianisme, le taoïsme et shintoïsme, chacun de ces systèmes religieux… sont profondément enracinés dans les peuples et montrent beaucoup de vigueur. La vie personnelle comme l’activité sociale et communautaire ont été marquées de façon décisive par ces traditions religieuses et spirituelles. Aussi les Églises d’Asie considèrent-elles la question des religions non chrétiennes comme une des plus importantes et des plus urgentes… » (n° 9-10; DC 86, 1989, p. 286).

[75]    Can. 1244 § 1: « Dies festos itemque dies paenitentiae, universae Ecclesiae communes, constituere, transferre, abolere, unius est supremae ecclesiasticae auctoritatis. » « Il revient à la seule autorité ecclésiastique suprême d’établir, de transférer et de supprimer des jours de fête aussi bien que des jours de pénitence communs à l’Église tout entière… » Le can. 1246 §1 mentionne le « fête de Marie, Mère de Dieu » parmi les fêtes de précepte communes à toute l’Église. Cette fête, autrefois appelée « Circoncision du Seigneur », est fixée au 1er janvier, qui est le Nouvel An dans les pays suivant le calendrier grégorien. Au Viêt-nam, le 1er janvier n’est pas un jour chômé.

[76]    Voir le rapport au Saint-Siège sur la question de Mgr É. Loosdregt, Vicaire apostolique de Vientiane (Laos) et président de la Conférence épiscopale du Laos et du Cambodge, publié intégralement dans Notitiae 6, 1970, p. 97-99, où il s’est attiré l’appréciation suivante de la Congrégation pour le Culte divin (p. 99): « En perpulchrum exemplum legitimae aptationis liturgicae ad normam Constitutionis Sacrosanctum Concilium nn. 37-40 et 65 » [« Voici un très bel exemple d’adaptation liturgique légitime conforme aux prescriptions de la constitution Sacrosanctum Concilium… »].

[77]    Le rapport de Mgr Loosdregt comprend une « description des fête en l’honneur des morts au Cambodge », puis les arguments pastoraux suivants (texte français original, loc. cit., p. 98-99): « Convenance pour les Chrétiens du Cambodge de célébrer, à cette occasion, les fêtes de la Toussaint et de la Commémoraison de tous les fidèles défunts. (1) Le contenu des fêtes traditionnelles peut acquérir un sens chrétien: offrandes avec demande de protection des défunts (saints) et souhaits de repos et de félicité pour les autres défunts (non encore parvenus au bonheur du ciel), ... et les souhaits de félicité deviennent prière chrétienne. (2) Les fêtes traditionnelles durent trois jours, qui sont fériés dans tout le Cambodge: a) les parents se rendent à leur village d’origine pour cé1ébrer avec tous les autres membres de la famille ces fêtes en l’honneur des défunts; b) les chrétiens, pour la plupart, ont des parents non-chrétiens et amis non-chrétiens, et se sentent parfois gênés de rester étrangers à ces fêtes familiales traditionnelles. Ils devraient pouvoir célébrer les fêtes des défunts, en même temps que les autres membres de la famille; c) cela éviterait aux chrétiens d’être éventuellement taxés de négligence à l’égard des défunts ou du reproche de célébrer des cérémonies à des dates différentes (1er et 2 novembre); […] d) le 1er et 2 novembre ne sont pas jours fériés au Cambodge et bien des chrétiens ont du mal à célébrer la Toussaint et la Commémoraison des Défunts ces jours-là; e) la possibilité de christianiser les fêtes traditionnelles tout en permettant aux chrétiens et non-chrétiens de s’unir dans une même célébration, à la même date, nous parait intéressante; […] g) en effet, il faut noter que les non-chrétiens viennent nombreux, pendant les trois jours de fêtes traditionnelles, prier clans les cimetières chrétiens pour les membres chrétiens de leur famille, et certains passent même à l’église avant de s’en aller. »

[78]    Congrégation pour le Culte divin, 2 février 1970 (prot. 240/70 - “Laos et Cambogia”), in Notitiae 6, 1970, p. 133: « Conceditur ut sollemnitas Omnium Sanctorum (die 1 nov.) et Commemoratio omnium fidelium defunctorum (die 2 nov.) celebrari possint occasione dierum festorum traditionalium, quae quotannis peragi solent in honorem Mortuorum (“Prachum Ben”). » [« Il est concédé que la solennité de Tous les Saints… et la Commémoraison des Fidèles défunts… puissent être célébrées à l’occasion des fêtes traditionnelles qui se font tous les ans en l’honneur des Morts (“Prachum Ben”) »].

[79]    Voir l’instruction Calendaria particularia de la Congrégation pour le Culte divin (in Notitiae 6, 1970, p. 348-370), n° 36 alinéa 2, p. 364: « Si qua vero Conferentia Episcopalis opportunius iudicet alicui ex his sollemnitatibus, ex. gr. Sollemnitati Omnium Sanctorum, alium diem assignare, qui melius congruat traditionibus localibus aut populi ingenio, poterit rem Apostolicae Sedi proponere. » Notre traduction: « Si une conférence épiscopale juge plus opportun d’assigner à l’une de ces solennités [de précepte selon le droit commun], par exemple la Solennité de tous les Saints, une autre date qui convienne mieux aux traditions locales ou au génie du peuple, elle pourra proposer la chose au Siège apostolique. »

      Concernant le lien entre la demande de la Conférence épiscopale du Laos et du Cambodge et cet alinéa, voir I. Ting Pong Lee, Facultates missionariae disciplinae vigenti accomodatae, Rome: Commentarium Pro Religiosis, 1976, p. 384-385.

[80]    « Thaùnh leã theo truyeàn thoáng daân toäc », in Sách lê Rô-ma [Missel romain], 2e éd., [Hô Chí Minh Ville:] Commission liturgique de la Conférence épiscopale du Viêt-nam, 1992, p. 1035-1047. Il faut noter que cet ouvrage ne comporte ni mention d’approbation par les Ordinaires du Viêt-nam, ni d’imprimatur, mais note seulement l’approbation par la Direction de la Culture et de la Communication (gouvernement vietnamien): document no 20/XBNT-GP en date du 24.01.1992. L’autorisation de publication a été donnée par la Congrégation pour le Culte divin le 21 février 1989 (prot. CD 1375/88, cf. Notitiae 29, 1993, p. 725). La traduction vietnamienne a été confirmée (can. 838 §3) ad experimentum pour cinq ans en date du 7 janvier 1994 par le même dicastère, de même que les textes vietnamiens des messes pour les célébrations de la Nouvelle Année lunaire, pour la fête des enfants et pour la fête des martyrs vietnamiens (respectivement prot. 2444/93/L et 2445/93/L, cf. Notitiae 30, 1994, p. 324).

[81]    « Teát Trung thu, caàu cho thieáu nieân. »

[82]    Ce sont: (1) Une messe pour terminer l’année (« Thaùnh leã Taát nieân » : actions de grâces et demandes de pardon); (2) Une messe pour le passage (« Thaùnh leã Giao thöøa, caàu bình an cho naêm môùi », cf. plus haut); (3) Une messe pour le premier jour (« Moàng moät, Thaùnh leã Taân nieân » : louange, vœux de paix et santé…); (4) Une messe pour le second jour (« Moàng hai, Kính nhôù Toå tieân vaø OÂng Baø Cha Meï » : mémoire des ancêtres, aïeux et parents); (5) Une messe pour le troisième jour (« Moàng ba, Thaùnh hoaù Coâng aên vieäc laøm » : sanctification du travail).

[83]    La nécessité d’une claire distinction entre culte des ancêtres et vénération des ancêtres a été invoquée par Mgr É. Nguyeãn Nhö Theå dans son intervention au Synode des Évêques pour l’Asie (24 avril 1998).

[84]    Prière eucharistique II, Memento des défunts, p. 493. Notre traduction littérale. Une ajonction analogue a été faite dans la Prière eucharistique III.

[85]    La prière pour les parents et autres ascendants morts en dehors de la foi chrétienne avait été exclue, mais pour de tout autres motifs conformes à la théologie du temps, dès le 17e siècle. Cf. propositions de la S.C. pour la Propagation de la Foi transmises au Saint-Office le 12 septembre 1645, in Collectanea S.C. de Propaganda Fide, vol. I, p. 30-35, n° 114, 16°: « Sextodecimo quaeritur, si in illo Regno licebit christianis orare et sacrificium facere Domino Deo nostro pro suis defunctis, qui in sua infidelitate ab hac vita discedunt. [Réponse:] Censuerunt, si vere in sua infidelitate decedunt, omnino non licere. » Notre traduction: « 16°. L’on demande si dans ce royaume [de Chine] il est permis aux chrétiens de prier et de faire des sacrifices au Seigneur notre Dieu pour leurs défunts, qui ont quitté cette vie dans leur infidélité. [Réponse:] [La Congrégation de Propaganda Fide] juge que, s’ils meurent vraiment dans leur infidélité, cela n’est absolument pas permis. » L’expression latine « sacrifi­cium facere », que nous avons traduite « faire des sacrifices », désigne peut-être la célébration de la messe à appliquer aux défunts.

[86]    Nous nous inspirons ici de J. Nguyeãn Huy Lai, La tradition religieuse, spirituelle et sociale au Viêtnam, p. 67-70, et de L. Cadière, « La famille et la religion en pays annamite », in Croyances et pratiques religieuses des Viêtnamiens, vol. 1, Paris: ÉFEO, [1992], p. 33-84, spécialement p. 34-44.

[87]    L’expression « Véritable origine de toute chose » (« wàn you zhen yuán », en vietnamien « vaïn höõu chaân nguyeân ») a été mise en honneur au début du 18e siècle par l’empereur de Chine K’ang-hsi, dont il a été question plus haut. Elle est toujours utilisée dans la culture chrétienne chinoise comme une désignation indirecte de Dieu, notamment pour le dialogue avec les non chrétiens.

[88]    Intervention du Cardinal P.-J. Phaïm Ñình Tuïng, archevêque de Haø Noäi, au Synode des Évêques pour l’Asie (28 avril 1998). Notre traduction à partir du texte vietnamien diffusé sur l’Internet.

[89]    Clément XI, Lettre à l’empereur de Tartarie et de Chine (30 septembre 1719), cf. supra. Notre traduction d’après 100 Roman documents, p. 45.

[90]    Saùch leã Roâ-ma [Missel romain] (1992), p. 1042-1043. Notre traduction.

[91]    Congrégation pour le Culte divin, instruction Varietates legitimae sur « La liturgie romaine et l’inculturation » (25 janvier 1994), n° 48, in DC 91, 1994, p. 441.

[92]    Réponse de l’épiscopat vietnamien au questionnaire annexe des lineamenta, I.3.B. Texte français publié par Églises d’Asie (Paris), n° 260, 1er mars 1998.

      On peut rapprocher le constat qui est fait ici de la déclaration de Paul VI dans l’encyclique Evangelii nuntiandi, n° 20: « Ce qui importe, c’est d’évangéliser la culture humaine et les cultures humaines non pas de manière purement décorative, comme par un vernis superficiel, mais de façon vitale, en profondeur, de façon à pénétrer jusqu’aux racines. » Notre traduction.

[93]    Intervention de Mgr B. Nguyeãn Sơn Laâm, évêque de Thanh Hoaù (24 avril 1998). Notre traduction.

[94]    Intervention de Mgr É. Nguyeãn Nhö Theå, archevêque de Hueá (24 avril 1998). Notre traduction.

[95]    Intervention du Cardinal P.-J. Phaïm Ñình Tuïng, archevêque de Haø Noäi (28 avril 1998). Notre traduction.

[96]    Sur la relation entre la prière non chrétienne et la prière chrétienne en Asie, on pourra consulter la contribution d’un canoniste vietnamien: G. Ñinh Ñöùc Ñaïo, « Preghiera e realtà asiatica nei pensieri dei vescovi della F.A.B.C. », à l’ouvrage collectif Chiesa locale e inculturazione nella missione, p. 337-358. L’auteur s’appuie sur les travaux de la Fédération des Conférences Épiscopales d’Asie (F.A.B.C.).

[97]    Can. 218: « Qui disciplinis sacris incumbunt iusta libertate fruuntur inquirendi necnon mentem suam prudenter in iis aperiendi, in quibus peritia gaudent, servato debito erga Ecclesiae magisterium obsequio » « Ceux qui s’adonnent aux disciplines sacrées jouissent d’une juste liberté de recherche comme aussi d’expression prudente de leur opinion dans les matières où ils sont compétents, en gardant le respect dû au magistère de l’Église. »

[98]    Voir les textes du décret conciliaire Ad Gentes et de l’encyclique Redemptoris missio cités plus haut.

      Voir aussi le document La foi et l’inculturation de la Commission Théologique Internationale: « Il nous faut développer une capacité d’analyser les cultures et d’en percevoir les incidences morales et spirituelles. Une mobilisation de toute l’Église s’impose pour que soit affrontée avec succès la tâche extrêmement complexe de l’inculturation de l’Évangile dans le monde moderne. Il nous faut épouser à ce sujet la préoccupation de Jean-Paul II: “Dès le début de mon pontificat, j’ai considéré que le dialogue de l’Église avec les cultures de notre temps était un domaine vital, dont l’enjeu est le destin du monde en cette fin du xxe siècle” » (DC 86, 1989, p. 288). La citation de Jean-Paul II est reprise de sa lettre autographe de fondation du Conseil Pontifical pour la Culture, datée du 20 mai 1982 (DC 79, 1982, p. 604).

[99]    Intervention de Mgr P. Nguyeãn Vaên Hoaø, évêque de Nha Trang, au Synode des Évêques pour l’Asie (21 avril 1998). Notre traduction.

[100] Cf. intervention de Mgr É. Nguyeãn Nhö Theå, archevêque de Hueá, au Synode des Évêques pour l’Asie (24 avril 1998). « Pour les motifs déjà signalés, un certain nombre de catholiques vietnamiens n’acceptent pas facilement l’introduction d’usages qu’ils considèrent toujours comme païens, du fait même des anciens décrets qu’ils avaient acceptés. Nous pouvons constater plusieurs divergences de vues entre catholiques vietnamiens sur cette question. » Notre traduction.