Une approche du bouddhisme

 

 

 

Nguyển Đãng Trúc

Strasbourg

 

I.              De Siddhârta au Bouddha

 

 Histoire d’un prince

 

Le Bouddha – c’est-à-dire l’Illuminé, l’Eveillé – a comme prénom Siddhârta et comme nom de famille Gautama. On l’appelle encore Çakya-Mouni, le sage des Çakyas (la principauté des Çakyas était en fait une partie du royaume de Kosala dans le Népal actuel). Il est né entre le VIIe et le VIe siècle avant notre ère, fils aîné du roi (ou prince) Suddhodana et de la reine Mayà. Il fut marié à l’âge de 16 ans avec une belle princesse de Kosola appelée Yasathra. De leur mariage naquit un fils, Rahula. Jusqu’à l’âge de 29 ans, le prince Siddhârta mena une vie heureuse et sans souci dans le palais royal.

 Premières rencontres

À l’âge de 29 ans, au cours d’une promenade, le prince « rencontre successivement un vieillard décrépit, puis un homme atteint de la peste noire et qui hurle de douleur, enfin un cortège qui conduit un cadavre au bûcher pour la crémation. Il découvre brutalement la place de la souffrance dans la vie humaine… Le problème de la vie était posé, et il est impossible de le résoudre sans s’attaquer au problème de la souffrance elle-même. Or le jeune prince fait une quatrième rencontre : il voit sur le bord du chemin un ascète qui mendie sa nourriture. Leurs regards se croisent, et Gautama est frappé par la sérénité de ce moine mendiant : celui-là n’avait-il pas trouvé la voie ? [1] »

 … et premières recherches de la Voie

Frappé par ces rencontres, le prince se décide à quitter le palais, à prendre la robe du renonçant. « Il se met alors successivement à l’école de plusieurs maîtres ; mais tous le déçoivent. C’est pourquoi il prend finalement le parti de s’en passer et de chercher sa voie par lui-même. Entraînant cinq disciples à sa suite, il va se livrer pendant six ans à une ascèse poussée jusqu’aux limites de la résistance humaine : mais là encore, c’est l’échec.[2] » 

 Rencontre inouïe de révélation et apparition du Bouddha

« La voie de la libération n’est donc pas l’ascétisme[3]. » Le prince recommence une vie normale. Un jour, à l’âge de 35 ans, pendant une méditation sous un figuier (appelé depuis l’arbre Bodhi, ou arbre de l’Éveil), il connaît une illumination soudaine : une Lumière lui est apparue brusquement. L’apparition de cette Lumière, ou cette rencontre inouïe, sans précédent dans la vie du prince, lui vaut dès lors le nom de Bouddha, c’est-à-dire l’Éveillé ou l’Illuminé. Quel Être ou quelle Réalité Gautama a-t-il rencontrés ? Cela restera toujours mystérieux et indicible. Cependant, ce qu’il peut y avoir d’exprimable dans cette illumination a été rapporté en substance dans un enseignement fondamental, qu’on appelle le Sermon près de Bénarès sur les quatre Nobles Vérités.

II.           L’essentiel de l’enseignement du Bouddha : Les Quatre Nobles Vérités

 

« Le cœur de l’enseignement du Bouddha, tel qu’il est transmis de son vivant jusqu’à nos jours, est contenu dans les Quatre Nobles Vérités. Les variations de la Doctrine proviennent des présentations et des interprétations.[4] »

 

Les Quatre Nobles Vérités sont désignées des noms suivants :

-                   Dukkha

-                   Samudaya

-                   Nirodha

-                   Magga

 

Dukkha

Le Bouddha déclare : « Celui qui voit Dukkha voit Samudaya, et il voit aussi Nirodha et Magga[5]. » 

À propos de ce Dukkha, contenu fondamental de la pensée bouddhiste, il faut bien préciser :

« Il est vrai que dans l’usage courant le mot pali dukkha (duhkha en sanscrit) a le sens de ‘souffrance’, douleur, peine, misère …, par opposition au mot sukha qui signifie bonheur, aise, bien-être. Mais le terme dukkha, en tant qu’il exprime la Noble Vérité qui représente le point de vue du Bouddha sur la vie et le monde, revêt un sens plus profondément philosophique et comporte des significations beaucoup plus étendues…

Dans l’Anguttara-nikàya, qui est l’un des recueils originaux en pali contenant les discours du Bouddha, on trouve une énumération de différentes formes de bonheur (sukhani), tel le bonheur de la vie de famille, de la vie solitaire, des plaisirs des sens, du renoncement, de l’attachement et du détachement, le bonheur physique et le bonheur mental etc. Mais tout cela est inclus dans dukkha : même les très purs états spirituels de dhyàna (recueillement) atteint par la pratique de la plus haute méditation, libres même de l’ombre de la souffrance dans le sens ordinaire du mot, décrits comme un bonheur sans mélange ; même l’état dhyàna qui est libéré de toute sensation agréable (sukha) ou désagréable (dukkha) et qui n’est plus que sérénité et attention pure - même ces très hauts états spirituels sont compris dans la dukkha.[6] »

Dukkha, annoncé par Bouddha suite à son illumination, est donc le sens de l’existence totale et originelle. On pourrait dire que Dukkha est la sensibilité de l’existence authentique, c’est-à-dire « être dans la Vérité ». Vivre en Vérité, c’est souffrir. Cela veut dire qu’exister est la soif ou le désir de cette Vérité que tout existant comme tel n’est pas. Tout ce qui est ‘ceci’ ou ‘cela’ – les divinités aussi bien que le moi, et même toutes choses qu’on pourrait imaginer – ne saurait être la Vérité dont l’existence authentique a soif.

Du fait que le sens de l’existence gît justement dans cette souffrance originelle, les existants se trouvent liés les uns aux autres dans le partage de cette souffrance universelle ; ce partage est exprimé sous le nom de compassion

Samudaya 

Mais comment la souffrance originelle (Dukkha) apparaît-elle dans la réalité de l’existence ?

Par son illumination, le Bouddha a eu la grâce inouïe de prendre conscience que l’existence est, par essence, souffrance. Mais d’un seul coup, à la lumière de cette révélation, il voit que la réalité de l’existence est oublieuse de cette soif. Si elle l’est, et si elle peut l’être, c’est en fait parce que l’existence peut aussi l’inauthentique. Cette dernière détourne la souffrance originelle, le désir de la Vérité, en un désir de « se faire » (c’est le karma : en sanscrit ce mot a pour racine ‘kr’ qui veut dire ‘faire’), en volonté de puissance. Ce détournement advient à travers cette tromperie qu’est l’illusion de s’identifier au fondement de la Vérité. Ainsi, à partir de ce ‘Moi’ (ou du ‘Soi’), apparaissent d’autres ‘Moi’ ; et c’est dans cet enchaînement que les mondes naissent, et succèdent aux mondes en se multipliant sans cesse.

Par la Noble Vérité Samudaya, on a conscience que l’apparition de la Souffrance Originelle et Englobante qui est le sens de l’existence authentique ne se révèle que par la voie négative ; c’est-à-dire que cette Souffrance n’advient que dans le retrait de son détournement en « désir de se faire », source de tant de souffrances dans le sens ordinaire. 

Nirhodha

L’homme est tiraillé par une contradiction. Il y a chez lui, d’une part, la Soif de la Vérité (= la Souffrance originelle, la Dukkha) ; et il y a, d’autre part, la réalité mensongère d’une existence fondée sur l’avidité de se faire soi-même, dans la joie de l’illusion ou dans l’ignorance. Pour échapper à cette contradiction, le seul remède sera de faire mourir ce ‘Moi’ auto-fondateur (cf. la doctrine du ‘Non-Moi’, Anatta). Pour cela, il est nécessaire d’éliminer le désir de se faire soi-même, de l’auto-suffisance, et la soif de l’illusion. Cet acte est exprimé par le mot tanhakkhaya, c’est-à-dire extinction de la soif.

Quant au Nirvana, il apparaît après la disparition du ‘Moi’ auto-fondateur, et surtout de la racine de ce dernier, qui est le désir de se faire. Ce Nirvana, nom donné à la Vérité de l’existence, se manifeste comme négation de ce qui apparaît en relation avec l’ensemble de tout ce qui s’ancre sur le ‘Moi’ auto-fondateur. Il est donc ce que ‘désire’ essentiellement le Temps dans sa plénitude et qui n’est donc ni ceci ni cela dans l’ensemble de tout existant.

Magga

Magga signifie le chemin à suivre. Il a souvent un autre nom : le Noble Sentier Octuple (Ariya-Atthangita-Magga) – compréhension juste, pensée juste, parole juste, action juste, moyens d’existence justes, effort juste, attention juste, concentration juste. On note ici l’omniprésence de l’épithète juste (sammà).

D’abord, les huit catégories évoquées ci-dessus symbolisent la totalité de l’existence comme telle.

Ensuite, l’épithète juste est parfois interprétée comme marquant le « juste milieu » qui se défie des extrêmes ; cette compréhension semble se fonder sur le besoin d’appliquer cette doctrine à la vie morale, pour laquelle ce qualificatif prend le sens de « modéré ». En fait, une telle interprétation ne fait que révéler une attitude de prudence ; elle éloigne des exigences propres à la quête de l’essentiel, qui caractérisent la pensée bouddhique. Le terme devrait entendu comme synonyme de « demeurer dans la Vérité », cette Vérité qui se donne dans l’existence comme Souffrance Originelle.

III.        Premiers développements

 

Du vivant du Bouddha

Après l’événement de l’illumination et le Sermon près de Bénarès, le Bouddha va transmettre sa doctrine (appelée Dharma) pendant environ quarante-cinq ans dans la plaine de Gange, tout en « jetant les bases de la communauté monastique bouddhiste (appelée Sangha). Ainsi, le Bouddha, le Dharma, le Sangha sont les “Trois Trésors” en lesquels le bouddhiste mettra sa foi et “prendra refuge”.[7] »

Les premiers conciles du bouddhisme

Dès sa naissance, le bouddhisme connaît des jours difficiles. Par rapport aux communautés ambiantes, il est critiqué comme un mouvement contestataire. À l’encontre de la tradition brahmanique, il est dérangeant. À l’intérieur de sa propre communauté, des crises ne tardent pas à se produire. Peu après la mort du Bouddha, en l’absence d’un successeur et d’une autorité compétente pour résoudre les problèmes de doctrine ou de discipline, il y a besoin d’un concile pour fixer l’enseignement du maître. Le premier en a lieu à Râjagriha vers 477. Il fut suivi de trois autres conciles : un à Vaisali vers 377 ou 367, et deux à Pataliputra, vers 340 et vers 242.[8] 

Et son développement en une grande religion à vocation universelle

Comme la doctrine bouddhiste touche les problèmes essentiels de la condition humaine et qu’elle est proposée à tout homme, le bouddhisme a été missionnaire dès l’origine. Mais historiquement, « cette universalité commença à devenir effective grâce à l’envoi de missionnaires par Açoka (empereur indien au IIIe siècle avant notre ère), d’abord dans les royaumes limitrophes, puis dans des contrées plus lointaines.[9] »

IV.         Les principaux courants spirituels

 

Bien qu’issu d’un même Maître (le Bouddha) et professant même doctrine (le Dharma), le bouddhisme a connu de multiples courants spirituels. Ces courants sont liés aux divers modes de présentation ou d’interprétation de la Doctrine, aux méthodes contemplatives, aux pratiques et usages différents, ainsi qu’aux mentalités et aux cultures des lieux…

Le Hînayâna ou Petit-Véhicule

Ce courant est considéré comme le représentant le plus ancien et le plus fidèle de la doctrine. « C’est du moins le courant qui a conservé à Ceylan et en langue palie, le plus vaste complexe d’Ecritures anciennes.[10] » Il préconise le respect strict de la Voie des Anciens – de là dérive le nom de la plus grande école qui subsiste encore : le Theravâda = La Voie des Anciens. Il professe surtout la priorité de la recherche du salut personnel, de la vie monastique, contemplative et solitaire. Ce courant s’est développé plutôt dans les pays du Sud et du Sud-Est de l’Asie, comme le Sri Lanka, la Birmanie, la Thaïlande, le Laos, le Cambodge et le sud du Viêt-nam. De ce fait, on l’appelle parfois « l’École du Sud » par opposition à « l’École du Nord » ou Mahâyâna (Grand-Véhicule).

Le Mahâyâna ou Grand-Véhicule

« Le Grand Véhicule se montre l’œuvre de commentateurs qui, attachés à faire surtout ressortir l’esprit des textes, ont prétendu être plus près de la véritable pensée du Parfait. Bien entendu, il est resté strictement monastique mais a glissé à la spéculation. Cette attitude devait conduire naturellement à des interprétations si diverses que la Doctrine devint sujette non seulement à la prolifération mais à d’importants changements.[11] » Ce courant s’est développé d’abord en Inde, durant les premiers siècles du bouddhisme. Il y était en contact avec le terrain religieux védique plus ancien. L’adaptation à ce milieu intellectuel lui donnera un caractère philosophique ; l’influence de la dévotion populaire du Brahmanisme lui conférera un aspect cultuel riche de créations artistiques, qui forment une sorte de panthéon bouddhique.

Le Mahâyâna se propage en Chine dès le premier siècle de notre ère, mais connaît un véritable essor au Ve siècle. Deux écoles importantes s’y développent : l’École Tch’an, plutôt philosophique, qui deviendra au Japon l’École Zen, et l’École Ts’ing T’ou (‘La Terre Pure’), où se développe la dévotion à Amitabhâ. Cette dernière Ecole est l’ancêtre de l’amidisme japonais. « C’est en effet à partir de la Chine que le bouddhisme se répand d’abord en Corée (où il est introduit en 372 [ap. J.-C.]), puis au Japon (où il est introduit en 522).[12] »

Le Bouddhisme tantrique ou Vajrayâna (Véhicule de Diamant)

Dès le début de sa formation dans le Nord de l’Inde, vers le IVe et le Ve siècle, le tantrisme se présente comme un mouvement religieux qui compte, pour parvenir à la force divine, sur des procédés relevant pour une part de la magie. Sa rencontre avec le Mahâyâna donna naissance à une nouvelle forme du bouddhisme, le Vajrayâna. Ce courant fut introduit au Tibet au VIIIe siècle, et se modifia au contact de la culture du lieu pour donner le bouddhisme tibétain.

V.            Le bouddhisme, une religion

Le bouddhisme est reconnu socialement comme une grande religion. Pourtant, il est difficile de prendre des caractéristiques des religions de tradition judéo-chrétienne, religions fondées sur la révélation positive, pour le confirmer ou le réfuter. Il faut distinguer deux aspects. On a, d’une part, le bouddhisme entendu comme doctrine – une doctrine dont l’essentiel a été enseigné par le Bouddha dans le Sermon sur les quatre Nobles Vérités près de Bénarès, et interprété d’une manière philosophique par les bouddhistes lettrés. On a, d’autre part, le bouddhisme quotidien, tel que pratiqué à travers le temps par les membres des communautés bouddhistes de différents pays – un bouddhisme imprégné de diverses croyances et de traditions. Entre ces deux visages du bouddhisme, il y a non seulement des variations importantes, mais aussi des contradictions. Plutôt que de vouloir comparer le bouddhisme à d’autres religions, il sera utile de dégager quelques-uns de ses aspects caractéristiques.

Les institutions 

 Les bouddhistes mettent leur foi en trois réalités appelées « les Trois Joyaux » : le Bouddha (l’Éveillé), le Dharma (la parole qui fait accéder à l’Éveil), et le Sangha (la fraternité de ceux qui marchent vers l’Éveil). Aussi prennent-ils refuge en ces Trois Joyaux. Cette prise de refuge est l’acte d’engagement dans la Voie bouddhiste. Le texte du « Triple Refuge » (trisharana) est simple :

-                   Je prend mon refuge dans le Bouddha ;

-                   Je prend mon refuge dans le dharma ;

-                   Je prend mon refuge dans le sangha.

Ceux qui font cet acte d’engagement sont reconnus comme véritables bouddhistes, mais leur nombre est très limité. On est plus souvent bouddhiste d’une manière spontanée, du fait qu’on appartient à telle famille, à telle communauté ou à tel pays.

L’institution la plus importante est la communauté des moines (le sangha). On pourrait dire que le développement et la survie du bouddhisme sont liés à l’institution monastique. Mais les moines bouddhistes sont des « renonçants », qui pratiquent le dharma d’une manière radicale, et non des prêtres qui exerceraient une fonction sacerdotale. Il existe, au sein des communautés plus ou moins importantes, des hiérarchies bouddhistes ; mais une autorité suprême, garante de l’unité des bouddhistes et de l’authenticité de la doctrine, n’existe pas.

 

Les mythes et les rites 

 

 L’avènement du Bouddhisme est par principe un dépassement de toutes les mythologies. La présence, dans la doctrine bouddhiste, de termes à l’accent négatif marque d’abord et essentiellement la négation, le refus de se fonder sur n’importe quelle représentation. Mais, dans la pratique, cette doctrine s’est adaptée aux temps et aux mœurs et offre des listes des divinités, ainsi que des rituels assez variés. Il y a des fêtes commémorant certains événements de la vie du Bouddha, des rituels de dévotion envers les « Trois Joyaux » ou les reliques, des pèlerinages à des lieux sacrés… Il y a des cérémonies exprimant des demandes diverses, tant spirituelles que matérielles. « Le bouddhisme n’a pas créé de rites destinés à sacraliser les grandes étapes de la vie humaine : la naissance, l’entrée dans l’âge adulte et le mariage… Le seul rituel proprement bouddhique est celui qui concerne la mort…[13] »

Tandis que les rituels sacrificiels occupent la place centrale dans beaucoup de religions, il n’en a pas de trace dans le bouddhisme. On pourrait évoquer une raison à cela. Si le bouddhisme n’est pas fondé sur une révélation positive – qui puisse permettre de prononcer le Nom Divin comme il faut –, et si la doctrine exige un refus radical de l’idolâtrie, en toute sincérité, à qui donc offrir des sacrifices ? Le seul sacrifice, dans ce cas, n’est-il pas « la mort du Soi auto-fondateur », dans l’attente de la Lumière qui vient de l’Autre Rive ?

VI.         Le bouddhisme aujourd’hui

 

En Asie 

Dans beaucoup de pays asiatiques, la pensée bouddhique devient un dépôt culturel qui caractérise les comportements individuels, valorise et améliore les mœurs. L’héritage de la pensée bouddhique entre dans la mentalité de toute la population et influence la conduite morale de toutes les couches de société, sans distinction de confessions religieuses. Mais le nombre de bouddhistes qui s’engagent effectivement dans la pratique des rituels, qui connaissent les activités de la communauté et y participent comme adhérents, est très limité. On calcule d’ordinaire le nombre des croyants bouddhistes sur un critère de non-appartenance à d’autres religions plutôt que d’après l’engagement effectif dans la religion bouddhiste.

Voici quelques chiffres qui révèlent la situation générale du bouddhisme dans les pays d’Asie[14] :

                    Dans les pays où le bouddhisme est considéré comme religion d’État (en millions) :

      Pays              Habitants           Bouddhistes              %

* Sri Lanka         15,8                    10,57                 66,9 %

* Bhutan               1,39                    0,96                  69,6 %

* Birmanie          38,5                     33,57                  87,2 %

* Cambodge          7,06                    6,24                  88,4 %

* Laos                    3,6                      2,08                  57,8 %

* Thaïlande          51,3                    47,25                  92,1 %

* Au Tibet, pays occupé par la Chine, presque 100% des habitants sont bouddhistes.

                    Dans les pays où le bouddhisme a une place très importante, surtout dans le domaine culturel (en millions) :

 

    Pays                    Habitants           Bouddhistes        %

* Japon                    120,8                    72,00               59,6 %

* Viêt Nam                58,6                    32,41               55,3 %

* Taiwan                    19,28                    9,06               47    %

* Corée du Sud           42,2                      6,54              15,5 %

          En Inde, en Chine et dans quelques pays où le bouddhisme représente un moindre pourcentage (en millions) :

        Pays                    Habitants           Bouddhistes         %

* Inde                          750,9                       5,26                0,7 %

* Chine                    1 061,1                      63,67                6   %

* Mongolie                     1,87                      0,04                1.9 %

Les bouddhistes sont présents aussi dans d’autres pays d’Asie, comme la Malaisie, l’Indonésie, le Singapour, et même l’Australie ; mais ils n’y sont qu’une petite minorité par rapport à la population locale.

 En Europe et aux États-Unis

Aujourd’hui, le bouddhisme n’est plus une religion exclusivement asiatique. Les migrations, les échanges culturels et les rencontres inter-religieuses en permettent une percée remarquable en Europe et surtout aux États-Unis. Pour la majorité de la population occidentale, le bouddhisme semble davantage connu, mais d’une manière assez floue, comme une technique de méditation, de respiration ou même de gymnastique… sous sa forme Zen. Les hommes de culture considèrent souvent – peut-être est-ce un a priori – le bouddhisme comme une mouvement religieux écolo-pacifiste, ou parfois comme une sorte de courant de pensée sceptique ou nihiliste. On compte maintenant plusieurs millions de bouddhistes en Europe et aux Etats-Unis ; ce sont, pour la plupart, des natifs d’Asie.

Selon une source plus récente, le Britannica Book of the Year 1998, les bouddhistes sont 353,14 millions dans le monde, dont 348,5 en Asie, 2,1 en Amérique du Nord, 0,64 en Amérique du Sud, 1,47 en Europe, 0,19 en Océanie et 0,136 en Afrique.

 

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A lire

H. de GLASSENAPP, Les cinq grandes religions du monde,   Trad. Pierre JUNDT, Payot Paris,1954

Walpola RAHULA, L’enseignement du Bouddha d’après les textes les plus anciens, Seuil, Paris, 1961

H. de LUBAC,           Aspects du Bouddhisme, Seuil, 1951

Josseph MASSON,     Le Bouddhisme, DDB, 1975

Dennis GIRA,    Comprendre le Bouddhisme, Centurion, 1989

 

 


 

[1] Pierre Massein, « Le Bouddhisme », dans Michel Clévenot (dir.), L’État des religions dans le monde, Paris, La Découverte/Le Cerf, 1987, p 175.

[2] Ibid.

[3] Ibid.

[4] Thích Mãn Giác, Histoire de la philosophie de l’Inde, Saigon, Presses Universitaires Van Hanh, 1967, p. 110.

[5] C’est une remarque du Bouddha lui-même, rapportée par l’une des sources anciennes en pali, sur l’essentiel de son enseignement. Cf. The book of the kindred sayings (Samyutta-nikàya) or grouped suttas, 5 t., Oxford, Pali Text Society, 1992-1994 : tome V, p. 437.

[6] Walpola Rahula, L’enseignement du Bouddha, Paris, Seuil, 1961, pp. 36-37.

[7] Pierre Massein, op. cit., p 184.

[8] Cf. ibid., p 177.

[9] Ibid.

[10] Joseph Masson, Le Bouddhisme, Paris, Desclée De Brouwer, 1975, p. 111.

[11] Maurice Percheron, Le Bouddha et le bouddhisme, Paris, Seuil, 1956, p. 106.

[12] Pierre Massein, op. cit., p. 178.

[13] Ibid., p 184.

[14] Cf. les estimations dans Michel Clévenot (dir.), L’État des religions dans le monde, Paris, Cerf, 1987 : pp. 236, 257, 262, 267, 276.