Liên lạc Nhân Văn

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LA CRISE

DES INTELLECTUELS VIETNAMIENS

* Pr Lâm Lễ Trinh

 

Les Communistes ont créé au Vietnam un bouleversement historique sans précédent, politique, social autant que psychologique. Dans un article largement divulgué dans la diaspora vietnamienne, le scientiste dissident Hà Si Phu constate amèrement: “Le Peuple (Viet) doit  affronter à présentø  une crise  humaine globale. La société est sens dessus-dessous, à cause du renversement complet de l’échelle des valeurs. La doctrine athée a donné naissance à un vide effrayant. Sur les plans de la culture, de l’idéologie et de la dignité humaine.”

Il faut reconnaitre honnêtement toutefois  que le facteur marxiste ne fait qu’aggraver une situation déclinante qui a débuté bien avant le déclenchement de la révolution socialiste. La société vietnamienne, dans laquelle la classe intellectuelle jouait  un rôle prédominant, était ouverte à des influences peu favorables venant de différentes directions:

1) La domination chinoise, qui a duré plus de mille ans, est  parvenue à former au Vietnam une génération de lettrés amorphes, rétrogrades, réactionnaires, profondément attachés à la culture chinoise formaliste. Leur concept de l’univers, de la condition humaine et de la moralité est borné et anti-scientifique. Ce conservatisme freine le développement du pays.

 Sous la domination française, pendant cent ans, les colonialistes  ont réussi à attacher à leurs services – comme écrit Huynh Thúc Kháng dans la Préface du livre “Biographie de Phan Tây Hu” – une classe  “ d’intellectuels  pro-occidentaux sur le bout des langues, moitié anciens, moitié nouveaux, pleins de suffisance, opposés les uns aux autres, incapbles de s’unifier.”

  2) L’absorption abusive et déplacée des idéologies  avancées de l’Occident  crée aussi des effets néfastes. Bien qu’affaiblie après 1954, la culture française reste vivace dans l’intelligentsia vietnamienne au moins jusqu’en 1975. En dépit de vingt années d’ intervention militaire US au Vietnam, la culture américaine n’a pas laissé de traces marquantes dans ce pays en raison des différences de traditions et de tempéraments. Les décennies 60-70 ont assisté au Vietnam Sud à une véritable floraison des écoles philosophiques occidentales: L’existentialisme de Jean Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Merleau Ponty; la théorie de l’absurde d’Albert Camus; le struturalisme de R. Barthes, Levi-Strauss; le personnalisme d’E. Mounier.. Ces idéologies, souvent mal digérées, étaient affichées sans vergogne, comme la mode du jour, par une génération d’étudiants, d’intellectuels et hommes de lettres. Il suffit de lire, pour le constater, certains romans du groupe littéraire Sáng Tạo dépeignant des personnages désabusés, trainant une vie sans idéaux et sans but dans les boites de nuit, dancings, bordels  et milieux douteux. La guerre, avec ses misères et incertitudes, a souligné le caractère éphémère de l’existence et donné naissance à un nouveau genre de fêtards, pressés de jouir, à tout prix. Les communistes profitent pour infiltrer les rangs des journalistes, écrivains, musiciens et artistes, et fomenter parmi eux un mouvement anti-militariste et défaitiste visant à saper le moral du camp adverse. Les gouvernements militaires qui se sont succédés au Sud Vietnam se sont révélés impuissants  à neutraliser cette campagne d’agit-prop  des Nordistes. Ajouter à cette situation la présence des troupes américaines et alliées qui suscite l’ouverture d’innombrables night-clubs, véritables nids de prostitution et de contrebande. La société sud vietnamienne à la veille de la chute de la Deuxième République en Avril 1975 est dans un état de délabrement avancé,  physique et moral.

     3 - Mao Tse Dong avait déclaré: “Les intellectuels qui ne sont pas convertis à la doctrine marxiste-léniniste n’ont pas plus de valeur qu’un excrément”. Les communistes vietnamiens purgent l’esprit bourgeois à travers plusieurs campagnes sanguinaires: 1946-1954, pour effacer l’influence culturelle française dégradante, romantique et  proclamant “l’art pour l’art”; 1954-1956, sous l’étiquette de la Réforme Agraire, modèle chinois ; 1956-1960 visant à saper intellectuels et artistes réactionnaires; 1986-1989 nouveau nettoyage par le subterfuge d’un glasnost culturel affublé du nom de “l’Éclosion des Cent Fleurs”. En 1975, le VN est unifié . Le pays devient  du jour au lendemain un gulag immense truffé de camps de ré-éducation ó les droits de l’homme sont piétinés ouvertement. L’autoritarisme a tué l’inspiration et la création artistique. D’autre part, la politique “d’éradication nationale” de Ho Chí Minh pour implanter l’homme nouveau marxiste  a sacrifié au moins trois générations  de jeunes vietnamiens sur l’autel de la Troisième Internationale. . 

     Sous le régime actuel, le Vietnam endure deux fléaux parallèles qui exténuent l’énergie populaire: d’une part, l’idéologie politique léguée par le Chine marxiste et la Russie Soviétique, d’autre part  la dictature corrompue  du Parti Communiste Vietnamien .

 

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    Malgré leurs multiples épreuves et leurs impairs, les intellectuels vietnamiens ont contribué de façon significative à la cause nationale. La plus  cruelle expérience  est sans doute, après  la chute du Vietnam Sud en avril 1975, l’exode forcé de la majorité des 3 millions de vietnamiens vers l’Amérique, un monde qui leur est complètement nouveau,  multi racial et multi culturel, avec des traditions  différentes. Une terra incognita.

    Ces intellectuels émigrés traversent à l’heure présente une crise sérieuse. Transplantés brutalement sur une terre étrangère sans préparation mentale et professionnelle préalable, ils se sentent déracinés et désorientés quant à l’avenir de leur terre d’origine. À la recherche d’une nouvelle identité, ils doutent d’eux-mêmes et de la société qui leur donne l’asile car toutes les valeurs spirituelles et morales traditonnelles ainsi que les concepts  de patriotisme qui leur ont été inculqués jusqu’alors sont bouleversés par la bourrasque politique qui a déstabilisé le VN de fonds en comble. La civilisation de cette nation de refuge, basée sur la science technologique, est cruellement réaliste et pousse la concurrence à ses limites extrêmes. La liberté individuelle y prime souvent la solidarité familiale  et la réussite matérielle y sert de critère pour l’évaluation des personnes.

En Orient, la culture crée la force, Dans la superpuissance américaine, la force crée la culture, la culture de la force. Dans un article publié dans Foreign Affairs, le professeur Samuel Huntington, de l’Université Harvard, a raison de parler du “shock of civilizations.” L’intellectuel vietnamien est un grain de sable dans cette bourrasque. Il en a conscience. Ceci explique pourquoi on percoit  dans  la littérature vietnamienne d’exil des accents de pessimisme , voire  de désespoir. D’aucuns s’empressent  dès lors de l’appeler “la culture du désespoir”.

      Désespérer? Dans la recherche pour la Mère Patrie d’une voie de sortie de la bourbière marxiste, l’intellectuel vietnamien – qui veut mériter cette appellation – ne doit jamais se décourager  bien qu’il sache à l’avance qu’il doit encourir de multiples  vexations et représailles dans la lutte qu’il se promet de mener. La diaspora vietnamienne dispose en effet actuellement  des ressources financières notables et spécialement d’une précieuse matière grise de 300.000 jeunes techniciens formés dans un environnment démocratique et qualifiés dans différents domaines. Si ces ressources inestimables sont intelligemment exploitées, en coordination avec la lutte tenace  que mènent  quotidiennement nos frères à l’intérieur du pays, elles  constituent de bonnes raisons d’espérer en la victoire finale de la Juste Cause.

  Il est de première urgence d’inculquer à la génération montante la fierté en leur patrimoine ancestral et la volonté de servir le bien public enfin de sortir le peuple vietnamien de son état ignominieux de sous-développement. Ces jeunes sont les pivots de la renaissance nationale dont ils sont la promesse et l’aurore. Seul un sursaut de la conscience vietnamienne après tant d’années de gabegie et de gaspillage peut déclencher un nouveau démarrage. Ce brutal (mais nécessaire) réveil conduit à l’union des masses. L’union. quoique difficile, n’est pas un problème impossible si tout un chacun prend à coeur la survie du Vietnam, accepte d’écouter, agir plus et parler moins; et s’il y a plus de gens volontaires de suivre au lieu de batailler  sans  cesse pour les postes de leaders.

     Ses  creuses fanfaronnades mises à part, Ho Chí Minh a dit au moins  une vérité qui relève du bon sens: “Quand vous avez le Peuple avec vous, vous avez Tout, Có Dân là có tat  ca Mais comment gagner  (et garder) la confiance du Peuple? La clé de la réussite dans l’avenir dépend de la correcte réponse à cette question vitale.

      Régimes, Partis politiques, Gouvernements,  Idéologies.. ne font que paver le chemin de l’Histoire. Tout passe, tout est éphémère. Vanitas vanitatum, Omnia vanitas!  Seul le Peuple demeure, le Peuple est éternel.

      Dans le passé, nos ainés ont donné des exemples édifiants dont nous devons tirer des lecons: Quand Phan Khôi argumente chaudement  avec Tran Trong Kim sur le Confucianisme, quand Ngô Duc Ke critique les idées politiques de Pham Quynh, quand Phan Châu Trinh et Phan Boi Châu opposent leurs opinions personnelles, tous ont fait preuve de retenue, de courtoisie et de respect mutuel. En effet, pour ces intellectuels, la patrie vietnamienne est la suprême finalité et le peuple vietnamien l’objectif essentiel.

       L’union des esprits et des coeurs mettra fin d’une part, au “syndrome de l’attente” (pour agir, les vieux attendent les jeunes et réciproquement, la diaspora attend les compatriotes à l’intérieur et vice versa) et d’autre part, à “l’allergie populaire” à la formation d’un front efficace en vue de la démocratisation du Vietnam.

 

Lam Le Trinh

Le 27.7.2002

Thuy Hoa Trang, Californie