Bienfaiteur
émérite de la langue, de la culture et de l’histoire du VIETNA
Nguyễn- Lý-
Tưởng
(D'après
des documents publiés par l'Archevêché de Huê, et des recherches
laborieuses du Professeur LÊ NGỌC BÍCH sur Léopold Cadière)
Suivant le règlement d'alors, le train trans-indochinois Sài gòn – Hà
nội ne s'arrêtait, avant 1945, qu’aux stations importantes des villes,
laissant de cơté les petites localités. Une seule exception cependant.
Sur l'ordre du Gouverneur Général de l'Indochine, fut créée une petite
gare au village de Di-Loan, à mi- chemin entre Đông Hà (Quảng-Trị et Đồng-Hới
(Quảng- Bình) ó le train direct devait s'arrêter cinq minutes pour
permettre à un savant, un lettré doublé d'un historien, de se rendre à
la réunion mensuelle de l'Ecole Française d'Extrême-Orient à Hà nội. Ce
personnage n'était autre que le R. Père Léopold-Michel Cadière, connu
sous le nom de "Cố Cả", en vietnamien.
Ce doit
être pour quelqu'un hors de pair, une sommité éminente et respectée que
d'enfreindre cette règle générale. Non. C'est pour cet homme, un simple
prêtre arrivé au Việt-nam le 23 décembre 1892 et y meurt le 10 juillet
1955. Après donc 63 ans d’inappréciables services rendus à sa seconde
patrie, non seulement dans le domaine religieux et social, mais plus
remarquable encore dans celui des recherches concernant sa langue, sa
culture et son histoire.
Le 'Bulletin de l'Ecole Française d'Extrême-Orient' et celui 'Des Amis
Du Vieux Huế édités avant 1945, et traduits aujourd'hui sous le titre
unique de « Những Người Bạn Của Cố Đô Huế»(Des Amis de l'Ancienne
Capitale Huế ) comptent de nombreux articles de grande valeur du Père
Cadière dus à ses vastes compétences linguistiques, historiques et
culturelles du Việt-nam dont les extraits et traductions deviennent
souvent la 'Règle d' Or' préconisée par bien des savants ou professeurs
du monde universitaire. Ce prêtre maỵtrise à fond naturellement le
français sa langue maternelle; mais aussi le latin (étant prêtre), le
chinois, l'écriture démotique (Chữ Nôm), l’histoire du Việt-nam et de la
Chine. Il connaỵt parfaitement le nom des localités, la civilisation des
trois pays d'Indochine. N'ont plus aucun secret pour lui, la langue
vietnamienne, ses divers dialectes et même son argot. La Revue 'Mission
Etrangère de Paris' a dressé la liste des 245 essais signés de son nom,
sur des thèmes les plus variés, objets de ses laborieuses études.
C'est fort regrettable que nos jeunes générations de la fin du 20e
siècle méconnaissent pour la plupart l'héritage culturel et historique
de leur pays, fruit des recherches durant plus d'un demi-siècle, légué
par cet érudit bienfaiteur : l'influence successive des civilisations
française, puis américaine, soviétique et chinoise en est la cause.
Etant un étudiant assidu de ses œuvres, cơtoyant souvent les sources de
ses documentations et investigations pendant près de cinquante ans, je
me considère comme un de ses disciples qui a fréquenté ses cours par
correspondance. Et, en attendant que mes aỵnés, plus compétents et plus
qualifiés, évoquent cette belle figure en une notice nécrologique, par
ces simples lignes, je tâche de célébrer sa mémoire, espérant recevoir
avec reconnaissance des échos de ces mêmes aỵnés pour rectifier,
compléter ce petit papier.
I-
JEUNESSE DE LEOPOLD-MICHEL CADIÈRE
Né le 14 février 1869, Lépold-Michel CADIERE appartient à
une famille d'agriculteurs de souche catholique pratiquante. Paysans
doux, simples, ses parents se sont installés dans la paroisse
Sainte-Anne-des-Pinchinats, à proximité d'Aix-en-Provence. C'est une
région de rêve des Bouches-du-Rhơne, au sud-est de la France. De climat
méditerranéen semblable à celui de la Californie méridionale (USA), avec
son ciel toujours d’un bleu pur. Peu de pluie, frais en été, doux en
hiver, un lieu idéal pour touristes et personnes âgées. Toute sa
famille, cơté paternel comme maternel, est originaire de la contrée.
Le jeune Léopold-Michel fréquente d’ abord l'école primaire du village,
et vers 12 ans va se fixer avec ses parents dans la ville d ' Aix ó il
poursuivra ses études secondaires au Collège Bourbon. Après la mort de
son père, alors qu’il a 13 ou 14 ans, il demande son admission au Petit
Séminaire puis passera au Grand Séminaire dirigé par des Pères de Saint
Sulpice. A la fin de ses études, il s'engage dans la Société des Prêtres
de la Mission Etrangère de Paris, reçoit l'ordination sacerdotale le 04
septembre 1892, âgé seulement de 23 ans. Déjà, depuis sa tendre
jeunesse, on a remarqué chez lui une intelligence rare.
II-
VOLONTAIRE AU SERVICE DE L'EGLISE DU VIETNAM
Il quitte la France pour le Việt-nam le 26 octobre 1892,
Après plus d'un mois de navigation, il débarque à Đà-Nẳng le 03 décembre
1892. Mais par suite des intempéries, le missionnaire n'atteindra Hue
que dix jours plus tard, te 22 décembre, et le lendemain, sera accueilli
par Mgr Caspar, (dit Mgr Lơc, de son nom vietnamien), Evêque de Huế de
1880 à 1904. Dès cette première rencontre, l'évêque a l'intuition qu’il
a en face de lui un savant doué pour les langues.
PROFESSEUR
DE SÉMINAIRE
En janvier 1893, le Père Cadière est désigné comme
professeur au Petit Séminaire d'An-Ninh (Cửa-Tùùng), préfecture de Vĩïnh-Linh,
province de Quảng-Trị. En octobre de l'année suivante (1894), il sera
chargé des cours de théologie au Grand Séminaire, récemment construit à
Phú-Xuân (Kim-Long). Mais ses capacités se révèlent moins dans son
enseignement ou ses recherches en bibliothèque que dans ses relations
avec les gens du pays qui ont modelé toute sa vie intellectuelle.
CURÉ DES
PAROISSES DE TAM-TỒA BỐ-KHÊ (QUẢNG-BÌNH)
L’Evêque de Huế le nomme Curé de Tam-Tồ (Quảng-Bình) au
mois d'octobre 1895. C'est une paroisse sise à une des rives du Nhật-Lệ,
fleuve proche de la ville de Đồng-Hới, réputée pour les fortifications
‘Lũy Thầỳ’ élevées par Đào-Duy-Từ sous les Seigneurs Nguyễn en guerre
contre les Seigneurs Trịnh au 17e siècle. Ces riches vestiges
historiques attirent sa curiosité de scientifique. C'est ainsi qu'il y
découvre une stèle relatant les épisodes de la lutte entre ces deux
Seigneurs. Ses laborieuses recherches seront couronnées par le Prix du
Budget décerné par l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres en
1903, et publiées par la suite dans le Bulletin de l' Ecole Française
d'Extrême-Orient en 1906.
Après une année passée à Tam-Tồ, il recevra l'ordre de se rendre,
toujours comme curé, à Cù-Lạc (octobre 1896), surnommé aussi Câu-Lạc,
une paroisse fort pauvre située sur la rive droite du Nguồn-Son, un
affluent du Sơng Gianh, canton de Cao-Lao, sous préfecture de Bố-Trạch,
province de Quảng-Bình. Il commence par entreprendre la construction des
maisons d'habitation, puis une école. Parallèlement, il se livre à la
formation des chrétiens, s'adonne aux œuvres sociales, et crée ainsi une
atmosphère favorable à la conversion au catholicisme. Avec
l'augmentation rapide du nombre de fidèles, la paroisse Cù-Lạc sera
subdivisée en deux par Mgr Caspar, en 1902 : Cù-Lạc et Bố-Khê.
Au Père Cadière revient la nouvelle paroisse de Bố-Khê dont les
chrétiens sont moins bien nantis matériellement et intellectuellement.
C'est un patelin au milieu d'une région de climat malsain, source de
malaria pour sa population. Deux ans après l'arrivée du Père, le village
a complètement changé de visage. Cependant. Ce vaste territoire est
formé d'une suite de paysages enchanteurs. L'eau ayant érodé la couche
de calcaire, laisse apparaỵtre partout des roches dures aux formes
bigarrées dont l'ensemble forme un tableau pittoresque avec pour fond
une succession de pics en dent-de-scie. De plus, les sources
souterraines ont creusé de vastes grottes festonnées de stalactites et
de stalagmites. En 1898, le Père Cadière a découvert la fameuse grotte
Phong-Nha qui fait partie des sites célèbres de cette contrée. Près de
huit années de résidence à Cù-Lạc lui ont permis d'achever ses
investigations relatives à l'histoire, la géographie ainsi qu'au
dialecte de cette zone du Quảng-Bình.
RETOUR
À TRÍ-BƯU (QUẢNG-TRỊ)
Le 28 juin 1904, par une nouvelle obédience, il devient
curé de Trí-Bưu, cumulant en même temps la fonction d'administrateur de
Dinh-Cát (Quảng-Trị), berceau de la famille des Nguyễn. En effet, en
1558, Nguyễn-Hoàng envahit avec ses troupes Thuận-Hóa, stationne à Ái-Tử
et établit son quartier général au Camp Dinh-Cát. Depuis la fin du 16e
Siècle, des prêtres missionnaires sont venus dans ces lieux, et une des
premières femmes converties au catholicisme a été la reine Minh-Đức-Vương,
dite Maria, de son nom de baptême, épouse de Nguyễn-Hồng. Dans la suite,
la souveraine va s'installer à Kim-Long (Huếê), et meurt vers 1648 ou
1649, (à la fin du règne du Seigneur Nguyên-Phúc-Lan ou au début de
celui de Nguyên-Phúc-Tần). C'est ici que le Père Cadière a entrepris des
recherches sur les vestiges des Seigneurs Nguyễn avant l'avènement de
Gia-Long. Les noms des localités tomme Ái-Tử , Trà-Liêm, Trà-Bát,
Dinh-Cát, Miêu-Bồng (du temps de Vĩnh-Tộ, dynastie des Lê 1620-1628)
sont, à maintes reprises cités dans nos manuels d' histoire du Vietnam.
Existent également des traces de civilisation Chàm à Trung-Đơn (Hải-Lăng),
Dương-Lệ (Triệu-Phong). Heureux comme un poisson dans l'eau, notre
missionnaire peut se livrer à sa passion de recherches, et explorations
dans ces parages.
A Trí-Bưu, il fait réparer l'école, édifier l'église, bâtir le couvent
des Amantes de la Croix, et s'occupe également des enfants orphelins,
etc. La-Vang, situé à sept kilomètres de là, a été à un moment donné
sous la juridiction du curé de Trí-Bưu. Tous les trois ans, un grand
Congrès est organisé dans cette cité mariale, et chaque année, à
l'occasion du Têt, se déroulent le pèlerinage et la procession
solennelle de Nouvel An. Ces festivités obtiennent toujours un grand
succès grâce à l'initiative et au talent d'organisateur du Père Cadière.
DÉCOUVERTE
DES DOCUMENTS HISTORIQUES RELATIFS AU VIỆT-NAM
DANS DES
BIBLIOTHÈQUES EUROPÉENS
Avant de rentrer en France pour raison de santé, le 04 décembre 1910
Léopold-Michel Cadière a été contacté par le Directeur de l' Ecole
Française d'Extrême-Orient de Hanoi afin de lui demander de retrouver
des documents historiques concernant les rapports entre les Seigneurs
Nguyễn et les Occidentaux durant les 16e, 17e, 18e.., siècles. A Rome il
a découvert le texte manuscrit du Dictionnaire Vietnamien - Portugais -
Latin du père Alexandre de Rhodes (17e siècle) ainsi que la
correspondance échangée entre Nguyễn-Phúc-Ánh et des officiers français
à la fin du 18e siècle, des relations qu'a entretenues Nguyễn-Phúc-Ánh
avec Mgr Pigneau de Béhaine, les notes rédigées par le Père Bénigne
Vachet sur le Diocèse de l'Intérieur...
ACTIVITÉS
CULTURELLES: FONDATION DE 'L' ASSOCIATION DES AMIS DU
VIEUX HUÊ'
De 1913 à 1918, le Père Cadière devient aumơnier de l' École Pellerin à
Huế. C'est durant cette période que ses amis des milieux intellectuels
Franco – Vietnamiens et lui ont fondé, en 1914, 'l'Association des Amis
du Vieux Hué' et publié le 'Bulletin des Amis du Vieux Hué' dont le
mobile sera l’activité culturelle.
Ce bulletin scientifique de premier ordre en Indochine à cette époque,
traite des sujets les plus variés: littérature, histoire, géographie,
artisanat, religion, coutume, beaux-arts, langue... Avant 1914 aucune
revue d'une aussi grande valeur sur Hué n'a existé, et qui servira de
référence aux études sur la capitale impériale. Nombreux ont été des
savants et lettrés de Hué à contribuer au succès de cette périodique,
tels que les ministres Tôn-Thất-Hân, Nguyễn-Hữu-Bài ; les peintres Lê-Văn-Miên,
Tôn-Thất-Sa; les écrivains Nguyễn-Đình-Hòe, Đào-Thái-Hanh, Nguyễn-Tiến-Lảng,
Đào-Duy-Anh etc... Parmi les Français, il faut citer Dumontier,
Reyssoneaux, Henri Cosserat etc... et parmi les prêtres, les Pères Pirey,
Morineau, Chapuis, Delvaux etc...
CURÉ DE
DI-LOAN ( QUẢNG-TRỊ )
Ses activités scientifiques, menées parallèlement, ne l’empêchent pas de
s'adonner à son devoir primordial de prêtre: l'évangélisation. En
septembre 1918, il est désigné comme curé de Di-Loan, ou Di-Luân, pays
natal de Mgr Lê-Hữu-Từ, préfecture de Vĩnh-Linh, province de Quảng-Trị.
C'est une paroisse fort importante de la chrétienté, de fondation
reculée, proche de Petit Séminaire de An-Ninh, Cửa-Tùùng, pays riche en
vestiges historiques de 1'ère des Seigneurs Nguyễn . Etant à la fois
curé de Di Loan et administrateur du District de Đất-Đỏ (Gio-Linh), il
rend régulièrement visite aux différentes succursales, se consacre au
travail apostolique, catéchise les fidèles. Partout il donne une
impulsion au savoir, aide les Amantes de la Croix à relever leur niveau
intellectuel et à se suffire à elles-mêmes. Il promeut la culture du
mûrier pour l'élevage du vers à soie, produisant un article qui
s'inscrit alors parmi les plus renommés au Việt-nam , en Extrême-Orient
et même en France.
A Di-Loan, il a créé un jardin d'expérimentation destiné à recevoir des
arbres tropicaux rares et précieux. Parmi les 160 à 180 espèces
rassemblées dans cet espace vert, on en dénombre une dizaine auxquelles
il attribue un nom, et, qui ont été toutes inconnues des botanistes
internationaux. 'LES FOUGERES du QUANG-BINH' sera le sujet d'une
de ses publications dans la 'REVUE INDOCHINOISE', parue en 1906 (Cahier
VI, pp. 647 - 660). Par la suite, le Docteur CHRIS "de Bâle) rédigera un
traité sur les arbres découverts par le Père Cadière.
Vers cette époque, Il devient membre actif de l ' Ecole Française
d'Extrême-Orient… Et c'est ainsi que le Gouverneur Général de
l'Indochine a donné ordre d'établir à Di-Loan, une station de chemin de
fer du direct Saigon - Hanoi pour lui en permettre de se rendre
régulièrement aux réunions.
CONFÉRENCE
EN FRANCE SUR 'LA FAMILLE ET LA RELIGION EN ANNAM'
En mars 1928, au cours d'un autre voyage en France, il participe à '
Semaine Internationale d’Ethnologie religieuse’ organisée à
Luxembourg, ó son exposé aura pour thème: 'La famille et la
religion en pays annamite'. Entre temps, il continue à fréquenter
diverses bibliothèques, celle de la Mission Etrangère à Paris et celle
du Vatican à Rome, à la recherche des documents relatifs aux Pères
Alexandre de Rhodes et Gaspar Luis durant leur séjour à Macao.
INCARCÉRÉ
PAR LES JAPONAIS DURANT 5 MOIS
Début 1930, après deux ans passés en France, il rentre à Di-Loan.
Survient le coup d’état japonais, le 9 mars 1945, renversant le
gouvernement français en Indochine. Avec ses confrères missionnaires, il
est arrêté par l'armée japonaise puis incarcéré à Huế durant 5 mois. À
la prise du pouvoir par le Việt-Minh, il regagnera, libéré, son ancienne
paroisse.
SEPT ANS DE
PRISON CHEZ LE VIET-MINH (communistes vietnamiens)
Durant la nuit du 19 décembre 1946, le soulèvement général éclate.
De nouveau, pris en otage, il doit quitter Di-Loan. En compagnie de six
autres prêtres français du diocèse de Huế , il est conduit au fief de la
résistance du Việt-Minh à Cầu-Rầm (Vinh), ó, installé dans une pauvre
demeure, il sera en résidence surveillée avec d ' autres religieux venus
d'ailleurs, Pour subvenir à leurs besoins, nos prisonniers se livrent au
travail agricole et à la culture maraỵchère, manquant cependant de tout,
en particulier de médicaments et de vêtements. Aussi quelques-uns de ses
compagnons d'infortune y ont laissé leur vie. Enfin, le 13 juin 1953,
avec 14 autres survivants du camp, il est remis aux autorités françaises
à qui il sollicite le retour à l’Evêché. Ainsi les rescapés et lui sont
expulsés sur Quảng-Bình pour rejoindre ensuite Huế. L’intention de Mgr
Jean-Baptiste URRUTIA est de faire rapatrier en métropole tous ces
ecclésiastiques pour raison de santé, mais le Père Cadière décline
l'offre et exprime son ultime souhait: rester et mourir à Huế , l'idéal
qu'il a toujours nourri en se portant serviteur de l’Eglise du Viêtnam.
IL MÈNE UNE
VIE RETIRÉE ET COMPOSE SES MÉMOIRES
Durant sa captivité à Vinh (fin 1946 au 13 juin 1953), il a commencé à
rédiger ses Mémoires qui s'ouvrent sur ces mots: Je rends grâce à Dieu
de m'avoir octroyé ces années, dégagées de toute responsabilité pour me
consacrer à la prière et à la méditation.
Il mène alors une vie vraiment conforme à sa vocation religieuse,
ancrée solidement à sa foi.
A 84 ans il se retire à l'Evêché, vit en silence, connu seulement de
quelques amis intimes qui lui rendent visite de temps à autre. Sa
journée sera émaillée de prière, d'oraison, de célébration liturgique...
Lors de ses Noces d ' Or sacerdotales en 1942, il note : « J’ai
compris les Annamites, parce que j’ai étudié ce qui les concerne. J’ai
étudié leur langue, dès mon arrivée ici, et je continue à le faire à
l’heure actuelle (…). J’ai étudié leurs croyances, leurs pratiques
religieuses, leurs mœurs, leurs coutumes. Je les ai aimés à cause de
leur intelligence, de leur vivacité d’esprit. (…). Je les ai aimés à
cause de leurs souffrances ».
Article: A LA MÉMOIRE DE CỐ CẢ de M. Ngọc-Quỳnh, paru dans le Bulletin
NGUỒN SỐNG (Source de Vie), diocèse de Huế , No l, du 15-07-1958, p.45.
DERNIERS
JOURS DE SA VIE
A partir de 86 ans, bien usé, il n'a plus de force pour se déplacer et
entretenir avec son entourage des relations normales. Intégré à la
Maison de retraite des Prêtres, 37 Rue Phan-Đình-Phùng, Huế, il s'alite
définitivement le 06 juillet 1955, et 3 jours plus tard, s'endort dans
les bras de
Dieu. ( le
10 juillet 1955). C'est dans le jardin du Grand Séminaire de Phú-Xuân (Kim-Long)
- aujourd'hui Grand Séminaire de St Sulpice - que reposent ses restes.
Concernant la date exacte de son décès, il existe une certaine
controverse. Sur le Registre du Diocèse de Hué, on l'inscrit au 10
juillet 1955, tandis que la stèle funéraire ne porte que les années de
sa naissance et de sa mort. Cependant, certains de ses confrères prêtres
français, dont les Pères Georges LEFAS (ancien professeur de l’Institut
LA PROVIDENCE avant 1975), et Louis MALLERET la fixent au 06 juillet
1955.
CONCLUSION
60 ans d'apostolat au Việt-nam. 60 ans de contribution inappréciable aux
recherches de la culture, la langue, les mœurs, l'histoire de son pays
d'adoption. Dans le cadre de cet article, il nous est impossible de tout
relater ni exploiter la somme de richesses de tant de documents en notre
possession.
Nous ne pouvons simplement qu'exprimer ici notre admiration pour ce
héros de l'apostolat, ce religieux modèle, cet écrivain remarquable, cet
historien et scientifique hors ligne que nous reconnaissons comme notre
maỵtre. Sa vie durant, il a tout sacrifié pour un idéal et pour la
religion, pour ce peuple qu'il aime sincèrement ainsi que sa
civilisation. Tout cela nous émeut jusqu'au tréfonds de l'âme, et nous
incite à vénérer en sa personne son héritage culturel et la sainteté de
sa vie. Il a légué à toutes nos générations un trésor sans prix de
culture et d'histoire qui nous aidera à remonter jusqu'à la source de
notre civilisation et de notre histoire.
Il a participé à la fondation des Associations suivantes:
-Ecole des
Langues Orientales,
-Société
de Géographie de Hà Nôi
-Académie
d’Aix
-Académie
des Sciences d’Outre –Mer
-Institut
Indochinois pour l’étude de l’Homme
-Membre
d’Honneur de L’Ecole Française d’Extrême –Orient. Etc…..
Après le 19 décembre 1946, le Việt-Minh communiste l'incarcérera encore
sept ans sous l'inculpation de colonialiste français. Cependant beaucoup
d'eau a passé sous le pont... Ses recherches publiées antérieurement au
BULLETIN DES AMIS DU VIEUX HUẾ sont aujourd'hui traduites en entier et
éditées chez Thuận-Hóa sous le nouveau titre: LES AMIS DE L'ANCIENNE
CAPITALE HUẾ. Bien plus, après la reconnaissance par l'UNESCO et le
pays, de l'ensemble des vestiges de Huế comme Patrimoine Historique de
l'Humanité, ces mêmes communistes vietnamiens ont salué en Léopold
Cadière un 'Spécialiste de Huế' et un 'Erudit du Việt-nam', Le
nationalisme exalté contre le colonialisme qui avait poussé le Viêt-Minh
des années 1945 à accuser de manière légère le Père Cadière, a vécu. Le
gouvernement communiste actuel et notamment les spécialistes qui
conduisent leurs études sur la civilisation de Huế reconnaissent la
somme considérable des oeuvres réalisées par ce pionnier pour faire
connaỵtre la littérature, la civilisation et l'histoire du Việt-nam en
général, et de Huế en particulier. L'honneur qui lui est dû lui est
donc restitué.
Dans l'hebdomadaire CATHOLICISME ET PEUPLE (No 854 du 26 avril
1992),
Võ-Xuân-Quang conclut ainsi l'article consacré à « Léopold Cadière, un
missionnaire, un scientifique, un homme profondément attaché à Hué.:
"De
précieux documents inédits de ses investigations qu'il avait l'intention
de transmettre aux générations futures avaient été confiés à la
bibliothèque des Bénédictins de Thiên-An", mais malheureusement détruits
par des bombardiers américains en 1968!»
(À préciser cependant: Durant l’attaque du Têt Mậu-Thân, 1968, les
communistes Việt-Cộng, après avoir envahi le monastère de Thiên-An,
installèrent des batteries de DCA au toit de son église pour abattre les
avions américains et vietnamiens du Sud venus les en déloger. C'est
ainsi qu'en écrasant ces nids de DCA, les assaillants détruisirent la
bibliothèque placée au sous-sol du sanctuaire.)
Nguyên-Đắc-Xuân, de son cơté, dans le quotidien TRAVAIL du 23 juin 1994,
a consacré une chronique intitulé ''A la mémoire de Léoplod Cadière, un
spécialiste de Huế'' Il Y affirme: « Si Huế a été reconnu comme
Patrimoine Historique de l'Humanité, c’est grâce aux travaux réalisés au
siècle dernier par nombre de savants, chercheurs, écrivains amoureux de
Hué dont la cheville ouvrière était le Père Cadière. Cependant, peu
nombreux sont ceux qui connaissent sa vie: son humilité en est le motif.
De son vivant, le Père Cadière considérait que tout ce qui le concernait
était superflu. »
Dans le mensuel AUTREFOIS ET AUJOURD’HUI de l'Association ETUDE
HISTORIQUE DU VIETNAM (No 6 de 1995, pp.26-27), à la rubrique: Le
Père Cadière, un des promoteurs des Etudes du Việt-nam, Đào-Hùng
termine ainsi:« Il est à croire que la pensée du Père Cadière ait
frayé le chemin à nos spécialistes en début du 20e siècle. Sa vie et son
héritage doivent inciter tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de
notre pays à lui porter une attention respectueuse,
Il a contribué à la connaissance approfondie du peuple vietnamien doté
d'une culture propre nullement assimilé à la civilisation chinoise comme
avaient pensé certains auteurs. »,
Son patrimoine scientifique est considérable. En guise de
reconnaissance, allumons un bâton d'encens à sa mémoire.
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